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EXPLORATION
DU MÉKONG

III.
VIEN-CHAN ET LA CONQUETE SIAMOISE.

On nous avait prédit un séjour de quelques mois dans le Laos, région mal famée, défendue contre la curiosité ou l’ambition de ses voisins par les roches dont son fleuve est hérissé, et surtout par les miasmes que le sol exhale. Ce n’était donc pas sans un sentiment de joie mêlé de quelque fierté qu’en mesurant le chemin déjà parcouru nous nous rappelions nos souffrances, comptant les maladies comme des soldats comptent leurs blessures, et n’en trouvant pas de mortelles. Nos rangs cependant venaient de s’éclaircir, mais c’était par un acte de notre volonté. Ne conservant dans notre escorte qu’un seul Européen, M. de Lagrée avait renvoyé les autres ; ils étaient plus capables de courage que de résignation, mieux faits pour lutter contre des ennemis visibles que pour souffrir les lenteurs forcées de notre marche et les ennuis du climat. Attirés d’abord par l’espoir d’une vie aventureuse, ils entrevirent bientôt l’énervante monotonie de l’existence qui leur était réservée, et leur énergie descendit dès lors au niveau de leur désenchantement. Nous estimions d’ailleurs n’avoir rien à craindre des Laotiens. Leur caractère d’une extrême douceur nous laissait libres d’inquiétudes de ce côté. Nous étions appelés, il est vrai, à passer