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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/497

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de détails qui serait trop facile, il faut se déclarer satisfait de l’ensemble de cet édifice ; ses fines pointes et ses gracieux clochetons se détachent sur le fond mouvant d’un bois de palmiers à l’ombre desquels s’abritent quelques cabanes. Les habitans viennent nous offrir du riz, un miel à faire envie aux abeilles de l’Hymette et des vases remplis de vin de palme, liqueur fraîche et sucrée qui s’écoule comme le sang d’une blessure d’une incision faite au palmier. Cette hospitalité cordiale et spontanée valait plus à nos yeux que la réception magnifique faite, il y a plus de deux cents ans, à nos devanciers les Hollandais compagnons de van Vusthorf, auxquels je vais emprunter tout à l’heure de curieux détails sur les cérémonies officielles dont leur ambassade fut l’occasion. Je ne m’étendrai pas davantage sur les ruines de Vien-Chan. Les temples et le palais ne laissent voir sous leur dorure tombée que des briques mal jointes ; c’est une scène abandonnée par les acteurs et que le temps, ce grand machiniste, dépouille tous les jours de ses derniers ornemens. D’ailleurs une civilisation qui ne faisait place qu’aux bonzes, aux mandarins et au roi n’est guère intéressante en elle-même. Quant à l’architecture qu’elle a produite, on peut en retrouver aujourd’hui le type dans la plupart des pagodes de Bangkok. L’une d’elles, celle qui est consacrée surtout aux dévotions du roi de Siam, renferme la fameuse statue d’émeraude que Pha-tajac ravit à Vien-Chan en 1777. Elle a une coudée de haut, et, selon M. Pallegoix, les Anglais lui attribuent une valeur de plus d’un million de francs.

Dans les divers mémoires des savans géographes qui ont essayé de faire la carte de l’Indo-Chine en combinant laborieusement les renseignemens fournis par quelques rares voyageurs et les détails arrachés aux indigènes eux-mêmes, il est le plus souvent impossible de reconnaître Vien-Chan à travers le double voile d’indications trop vagues et d’une orthographe défectueuse qui ne reproduit pas toujours le son de la prononciation locale. A cela tient sans doute l’incertitude qui a régné longtemps sur la vraie position géographique de cette ville. Crawfurd l’appelle Lang-Chang et la dit située par 15° 45’ de latitude nord ; Low et Berghans lui donnent les noms de Lanchang et de Lantschang. Mac-Leod la place par 17° 48’ de latitude septentrionale. Cette dernière position se rapproche de la position vraie de Vien-Chan ; mais l’infatigable explorateur anglais confond Vien-Chan avec Muong-luan-Praban, royaume distinct où nous allons bientôt séjourner. Marini, dans son Histoire du Laos, appelle les habitans de ce pays les Langiens, et donne le nom de Langione à leur ville principale, qu’il dit située sur le 18e degré de latitude. Il ne commet, en en fixant ainsi la place, qu’une très légère erreur, et c’est dans son livre