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remis en question, l’empereur lui-même l’a défini dans son message. Ainsi maintenant le corps législatif fera son règlement intérieur et choisira son bureau ; le droit d’interpellation, le droit d’amendement, seront étendus et simplifiés ; le budget devra être voté par chapitres ; les modifications de tarifs de douane seront soumises à l’approbation législative ; il n’y aura plus incompatibilité entre le mandat de député et certaines fonctions publiques, notamment celles de ministre. Ce sont toutes ces questions que le sénat va être chargé de résoudre. On ne peut évidemment méconnaître la valeur d’un ensemble de réformes qui n’ont qu’un défaut, celui de venir tardivement, lorsqu’on a laissé déjà se développer une crise qu’elles auraient dû prévenir. Avec cela, la liberté parlementaire retrouve ses droits. Sans doute ce n’est pas là le dernier mot du libéralisme, et on se tromperait même étrangement, si l’on croyait que tout peut se réduire à rendre au corps législatif des attributions qu’il avait perdues. Le problème est infiniment plus vaste, nous en convenons. Il y a pour le pays bien d’autres garanties, bien d’autres réformes administratives, économiques, à conquérir, et, sans sortir du cercle des pouvoirs publics, on pourrait trouver sans effort quelque combinaison pour rajeunir le sénat en lui donnant une autorité plus effective. Tout cela est facile, si on le veut bien. Sans doute encore, le mot de responsabilité ministérielle n’est pas dans le message, il est déguisé sous l’obligation de soumettre toutes les grandes affaires du pays à la délibération collective du conseil ; mais qu’importe le mot, lorsque la réalité passe nécessairement dans la pratique, lorsque les assemblées n’ont qu’à vouloir pour faire sentir leur autorité à un ministère ? L’essentiel est de ne pas jeter la proie pour l’ombre, de se servir de ces conquêtes nouvelles pour travaillerons parti-pris à l’acclimatation régulière de la liberté dans nos institutions et dans nos mœurs. Le reste, c’est le contingent et l’imprévu.

A considérer de près le mouvement actuel de l’Europe, le problème qui domine tous les autres dans la plupart des pays est justement celui qui agite aujourd’hui la France, c’est le problème de la reconstruction, de la réorganisation libérale. Il y a sans doute bien d’autres questions, grandes ou petites, qui errent à la surface du continent européen et qui peuvent s’enflammer tout à coup. Il y avait, tout récemment encore, ce conflit franco-belge dont on a fait un événement en mêlant la politique à des combinaisons de chemins de fer, qui a exigé plusieurs mois de négociations, et qui vient enfin d’être résolu le plus pacifiquement du monde ; mais l’incident franco-belge n’avait en vérité que l’importance qu’on aurait pu ou qu’on aurait bien voulu lui donner, et la solution que viennent de trouver des négociateurs de bonne volonté passe inaperçue au milieu des préoccupations du moment. Ce n’est pas de cela qu’on prend souci. La vraie, la sérieuse question est dans ce travail qui s’accomplit partout, en Allemagne, en Angleterre même, comme en