Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/534

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dualisme, c’était sur les représentans de la grande propriété que le ministère comptait pour déplacer la majorité en sa faveur. Ces grands propriétaires sont de deux sortes : les uns, parfaitement indépendans, composent la vieille aristocratie de la contrée; les autres doivent au gouvernement les titres qui ont anobli leurs domaines. Ces derniers étaient comme désignés d’avance au rôle que leur confia le ministère. On ne recula pas devant l’emploi des moyens les plus fâcheux pour assurer la victoire; il était vraiment impossible que l’élection des propriétaires domaniaux, si elle devenait l’objet d’un débat sérieux, ne fût pas invalidée. Que fit le ministère par l’organe de ceux qui le représentaient à la diète? Il fit voter sans discussion. Les cinquante-quatre députés dont l’élection était en cause eurent assez peu de scrupules pour prendre part au vote malgré les protestations d’une partie de l’assemblée. C’est ainsi que les Allemands arrivèrent à dominer les Tchèques dans cette seconde diète de 1867, c’est ainsi que la majorité des représentans allemands d’un pays slave se crut en droit de consacrer la révolution intérieure qui partageait l’Autriche entre les Allemands et les Magyars.

Que demanda-t-on en effet à cette diète ainsi composée? On lui demanda d’envoyer des députés au conseil de l’empire (Reichsrath) siégeant à Vienne « pour les pays et royaumes non hongrois. » L’envoi de ces députés, c’était la reconnaissance officielle de l’immense changement qui venait d’être accompli dans la monarchie autrichienne malgré les protestations et les menaces de la Bohême. Ces protestations furent renouvelées le 13 avril 1867 par une voix éloquente. Un homme qui doit à son patriotisme un rôle prépondérant parmi les Tchèques et qui joint à ce titre une rare puissance de parole, M. Ladislas Rieger, fit retentir le cri de la Bohême. Fidèle aux doctrines développées par M. Palaçky en 1865, il défendit l’intérêt de la monarchie autrichienne autant que l’intérêt de ses frères. Le système du dualisme fut soumis par lui à une critique dont la modération augmentait la vigueur. Il avertissait les Allemands, il avertissait les Hongrois de tous les dangers que cette division attirerait sur eux infailliblement. Il demandait avec douleur pourquoi la dynastie des Habsbourg témoignait hi peu de confiance aux Slaves; il rappelait qu’eux aussi, en des jours de désastres, ils avaient, comme les Hongrois de Marie-Thérèse, montré leur dévoûment à la dynastie. « Nous savons très bien, disait M. Rieger en terminant, que cette institution du dualisme n’est qu’une machine inventée pour opprimer les Slaves. Nous espérons pourtant, nous ne nous lassons pas d’espérer que sa majesté notre roi reconnaîtra le tort qu’on nous fait et qu’il le réparera; nous ne nous lassons pas d’es-