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passés. Une Hongrie libre n’a rien à redouter d’un libre royaume de Bohême. »


III.

On voit quel chemin les esprits ont fait dans le sens de la conciliation et du droit commun. Le changement que nous venons de signaler chez l’élite de la société allemande et magyare correspond exactement à l’évolution accomplie par les Tchèques eux-mêmes. De 1865 à 1867, de 1867 à 1869, nous avons indiqué les phases de cette évolution. En 1865, par la voix de M. Palaçky, les Tchèques discutent l’idée hongroise du dualisme, et protestent d’avance contre un partage de l’empire qui poussera tous les Slaves au désespoir. Cette protestation étant repoussée avec dédain et le dualisme étant établi comme la forme définitive de l’Autriche nouvelle, les chefs des Slaves de Bohême, soit qu’ils aient cédé à un accès de délire, soit qu’ils aient voulu avertir le gouvernement autrichien, font leur triste pèlerinage de Moscou au mois de juin 1867. Tout aussitôt cependant ils reconnaissent leur faute, ils affirment leur nationalité distincte en face du panslavisme, et, rectifiant peu à peu leurs formules, ils cessent d’invoquer le droit des races pour invoquer le droit des nations historiques, ce droit qui met le royaume de Bohême au même rang que le royaume de Hongrie. C’est alors que les Allemands de Bohême et les Magyars commencent à s’entendre avec les Tchèques; les esprits vraiment politiques s’unissent sur le terrain du droit. Une opinion nouvelle se forme dans les deux années qui viennent de s’écouler; si les Tchèques ont encore des ennemis nombreux et acharnés, ils ont conquis pourtant des sympathies ardentes dans les partis mêmes qui les combattaient naguère avec le plus de vigueur. Les articles de M. Schuselka, la lettre de M. Kossuth, le manifeste du comte Bethlen, sont des témoignages qui parlent assez haut.

Le devoir des Tchèques est de persister dans cette voie et de donner à leur programme une forme de plus en plus précise. Si les mots fédération, fédéralisme, prêtent à l’équivoque et peuvent causer de justes alarmes, il faut, ou bien y renoncer, ou bien en marquer le sens une fois pour toutes. Il ne s’agit pas de diviser l’Autriche en cantons, il s’agit d’en faire un faisceau de royaumes : royaume de Hongrie, royaume de Bohême, royaume de Pologne, voilà la grande fédération que réalisera l’Autriche, si elle comprend