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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/543

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Revue diplomatique, publiée à Pesth, dénonce au contraire cette politique de compression comme une cause de ruine pour l’Autriche. Au nom des intérêts magyars, il s’alarme des conséquences que produira ce système; il supplie le ministère hongrois d’avertir l’empereur. — Et qu’on ne dise pas que ces choses ne regardent pas les Hongrois. Est-il donc indifférent pour la Hongrie de savoir si elle est alliée avec un état vigoureux ou avec un cadavre? Un état fédératif ou un cadavre, tel est le titre que M. le comte Nicolas Bethlen a donné à ces pages généreuses. « Aujourd’hui, s’écrie-t-il, on bâillonne les adversaires du dualisme, on achète la presse, on calomnie les feuilles indépendantes. Quiconque n’entonne pas les louanges de cette trinité glorieuse, MM. Giskra, Herbst et Hasner[1], est vendu à la Russie, vendu à la Prusse, vendu... à qui encore? Dieu le sait. L’Autriche est libre, l’Autriche est heureuse... Le ciel ait pitié de nous! Ne se trouvera-t-il pas dans les conseils de la couronne un seul homme qui ait le courage d’aborder le souverain et de lui parler en ces termes : Sire, l’Autriche se disloque. Une force extérieure la retient encore; à la première défaillance, tout s’écroulera. » Ce n’est pas la force, ce n’est pas la contrainte des docteurs de Vienne, comme dit M. le comte Bethlen, qui empêchera l’empire de se disloquer; il faut s’appuyer sur des peuples amis, il faut que la Cisleithanie allemande fasse alliance avec les Bohèmes, comme la Hongrie avec les Croates. Et si les journaux de Vienne, étonnés de ce langage, essaient d’inquiéter les Hongrois en leur faisant peur des Slaves, le comte Bethlen répond aussitôt avec une verve qui rappelle les éclats sarcastiques du comte Széchenyi : « Nous prévenons l’honorable direction de la presse au ministère cisleithanien que nous ne pouvons nous empêcher de rire à gorge déployée en la voyant se servir de ces moyens tout à fait passés de mode pour effrayer la Hongrie. On croit encore à Vienne qu’il est possible d’exciter les nationalités les unes contre les autres, de contenir les Slaves par les Hongrois, et plus tard les Hongrois par les Slaves. Si la direction de la presse n’a pas d’autre moyen de sauver l’empire, elle fera bien de laisser la place à de plus habiles. Les Hongrois paient volontiers leur part des fonds destinés à ce service, pourvu que la direction de la presse se propose une influence conciliatrice; mais payer un demi-million pour être excité contre les Slaves, voilà une dépense qui pourrait bien causer quelque surprise à la délégation hongroise[2]. Ces temps-là sont

  1. Les trois ministres cisleithaniens les plus opposés aux réclamations de la Bohême.
  2. Pour comprendre ces paroles, il faut se rappeler que, dans le système actuel du dualisme, le ministère des finances fait partie de l’administration des affaires communes, et que les deux fractions de l’empire, la Cisleithanie et la Transleithanie, discutent ces affaires communes par l’organe de deux assemblées nommées délégations.