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curieux d’insister sur les phases, d’ailleurs assez courtes, de ce compromis éphémère.

Le croirait-on ? M. Duvoisin était chargé par l’empereur de produire à Fontainebleau des exigences plus grandes encore que toutes celles dont il eût jamais fait parler au saint-père. Le projet de traité remis à l’évêque de Nantes contenait précisément ces mêmes clauses qu’à Dresde, dans la prévision de son futur triomphe, Napoléon avait annoncé l’intention d’imposer à Pie VII, quand il reviendrait à Paris vainqueur de l’empereur Alexandre. Trahi par le sort des armes, vaincu non certes par la valeur et l’habileté supérieure de son ennemi, mais par les rigueurs d’un climat meurtrier, il n’avait pas aujourd’hui la pensée de modifier en quoi que ce soit un programme devenu presque insensé à force de contraster avec les circonstances présentes.


« Le pape et ses successeurs, lisait-on entre autres articles dans le projet de traité emporté à Fontainebleau par M. Duvoisin, jureront avant leur couronnement de ne rien faire et de ne rien ordonner de contraire aux quatre propositions du clergé gallican. — Le pape et ses successeurs n’auront droit à l’avenir qu’à la nomination d’un tiers des membres du sacré-collège, et celle des deux autres tiers sera dévolue aux souverains catholiques, — Le pape désapprouvera et condamnera par un bref solennel la conduite des cardinaux qui n’ont pas assisté à la cérémonie religieuse du mariage de l’empereur, qui d’ailleurs leur rendra ses bonnes grâces, pourvu toutefois qu’ils consentent à signer ce même bref. — Les cardinaux di Pietro et Pacca seront exclus de cette amnistie, et jamais il ne leur sera permis de revenir auprès du saint-père[1]. »


Le reste du projet était rédigé à l’avenant. Il y était stipulé que Pie VII devait résider à Paris. Il pourrait y recevoir les ministres et les chargés d’affaires des puissances étrangères, qui jouiraient près de lui des immunités et privilèges accordés aux membres du corps diplomatique. Afin qu’il ne subsistât d’ailleurs aucun doute sur la situation dépendante dans laquelle l’empereur entendait maintenir le souverain pontife, un article spécial portait qu’il jouirait d’un revenu net de 2 millions qui serait prélevé sur ses domaines aliénés. À propos de la nomination des évêques des états romains, l’empereur ne cédait absolument rien. Il entendait les nommer lui-même. Pour ce qui regardait ces prélats, ceux du reste de l’Italie et ceux de la France, il exigeait toujours qu’après un délai de six mois les sujets nommés fussent de plein droit institués par le pape, et à

  1. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 268.