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défaut du consentement du pape par le métropolitain ou par le prélat le plus ancien du diocèse.

Quel ne fut pas le trouble de Pie VII en écoutant de pareilles propositions ! Nos lecteurs peuvent aisément s’en rendre compte, s’ils ont présente à la mémoire l’anxiété où l’avaient jeté les offres beaucoup plus acceptables qui lui avaient été naguère apportées à Savone. Nous trouvons d’ailleurs dans la correspondance de l’évêque de Nantes avec le ministre des cultes le témoignage authentique de l’état de cruelle perplexité où des ouvertures si inattendues jetèrent de nouveau le saint-père, mis en demeure de se prononcer à bref délai et sans conseil suffisant sur d’aussi formidables questions.


« Le samedi soir, jour de mon arrivée, écrit M. Duvoisin à M. Bigot, je n’ai fait qu’annoncer au pape l’objet de ma mission et lui demander une audience pour le lendemain. Après un préambule sur les intentions pacifiques et bienfaisantes de sa majesté, et sur ce que demandaient dans les circonstances présentes les intérêts de la religion et du saint-père, je lui ai communiqué les propositions rédigées par votre excellence. Plusieurs m’ont para lui faire beaucoup de peine, particulièrement la résidence à Paris, la suppression des évêchés suburbicaires, qu’il croit nécessaires à la dignité du saint-siège à raison de leur antiquité, de leurs privilèges et des fonctions qui leur sont affectées, enfin la répartition et la nomination des cardinaux, qui ne lui laissent pas assez d’influence dans la composition du sacré-collège, conseil-né du pape. Par-dessus tout, il demande pour délibérer le conseil qu’on ne lui promet qu’après qu’il aura pris des engagemens irrévocables. C’est ce qu’il ne cessait de nous dire à Savone, et ce qui néanmoins ne l’a pas empêché de nous donner le bref du 20 septembre. Du reste il a fini par me dire qu’il ferait ses réflexions, et qu’il chargerait l’archevêque d’Édesse de conférer avec moi. — J’ai su dans la soirée que le pape avait fait part aux cardinaux Dugnami et Ruffo d’une partie des articles que je lui avais proposés. Je n’en suis pas fâché. Je voudrais qu’il prît confiance dans le cardinal Ruffo, homme d’esprit qui ne partage point les préjugés de la théologie ultramontaine, qui envisage cette affaire sous son véritable point de vue, et à qui il me serait bien plus facile de faire entendre raison qu’à l’archevêque d’Édesse[1]. »


M. Duvoisin n’avait pas tort de considérer le cardinal Ruffo (Fabrice) comme un de ses plus utiles auxiliaires ; mais ce cardinal n’était pas seul à s’efforcer d’agir sur les déterminations du pape en lui conseillant de faire taire ses scrupules, de tout concéder au plus

  1. Lettre de M. Duvoisin, évêque de Nantes, à M. le ministre des cultes, 11 janvier 1813.