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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/678

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« entrait dans un blason » déjà existant, on était reçu dans une « maison, » adopté par une « fraternité » de familles. C’est ainsi qu’après la victoire célèbre de Wielko-Luki le grand-connétable Zamoyski fit entrer un bon nombre des soldats dans « sa maison de Jelita, » et ce système fut également pratiqué sur une vaste échelle à l’égard de la Lithuanie lors de l’assemblée de Horodlo. Les a maisons, » les « fraternités » polonaises de Leliwa, de Zadora, de Topor, etc., reçurent alors dans leurs « blasons » les familles boyares des Monwid, des Jawnis, des Butrym. Le lecteur moderne est parfois enclin à sourire en trouvant dans les annales des siècles passés, et jusque dans des pièces officielles, l’union des deux pays de la Vistule et de la Wilia désignée si souvent du nom de « fiançailles, » ou du nom encore plus insolite « de l’anneau nuptial d’Hedvige; » ce fut cependant la foi de ces temps, l’idée fondamentale du royaume des Jagellons. En 1386, au moment où le fils d’Olgerd jurait devant l’autel du Christ amour et fidélité à la fille de Louis d’Anjou, plusieurs parmi les princes et les seigneurs lithuaniens épousèrent des demoiselles « léchites » en signe du mariage entre les deux nations. De même c’est une espèce de mariage mystique, une « union d’amour » que la noblesse polonaise déclarait contracter avec la noblesse de la Lithuanie par ce document de Horodlo, que nous transcrivons ici dans son originalité naïve et touchante[1].


« Au nom de Dieu, amen. En mémoire éternelle. Celui-là ne connaîtra jamais la grâce du salut, qui ne se sera point appuyé sur l’amour. L’amour seul ne travaille pas en vain; éclatant par lui-même, il éteint les haines, adoucit les ressentimens, procure à tous la paix, réunit ce qui a été dispersé, relève ce qui est tombé, aplanit les aspérités, redresse les choses courbées, assiste chacun, n’offense personne, et quiconque se réfugiera sous son aile trouvera la sécurité et ne craindra les menaces d’aucun. C’est l’amour qui crée les lois, gouverne les royaumes, organise les cités, conduit les états de la république vers les meilleures fins, perfectionne les vertus des vertueux, et quiconque le méprise perd tous les biens. C’est pourquoi nous, prélats, barons et nobles de la couronne de Pologne, voulant reposer sous le bouclier de l’amour et inspirés d’un sentiment pieux, nous avons uni et lié, et par le présent document déclarons en effet unir et lier nos maisons, nos générations, nos familles, nos blasons et nos armoiries, avec tous les barons et boyars des terres

  1. On en trouvera le texte latin dans Rzyszczewski, Codex dipl. polon., I, 286, n° 162.