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dore de Banville a fait du Victor Hugo, du Musset, du Gautier, du Leconte de Lisle. Seulement le chef de la pléiade prenait chez les Grecs et donnait aux siens une denrée dont il n’existait pas encore de marchands. L’exemple de Ronsard pouvait encore d’une autre manière le mettre dans la bonne voie. Ce n’est pas ici le lieu de chercher si le brave auteur de la Franciade a mérité si complètement d’être loué en ses poétiques ambitions, ou si les audaces qu’il s’est permises, manquant le but, n’ont pas laissé à la poésie française beaucoup de timidité et un long souvenir de ses faux pas ; mais le véritable et le seul habile entre les apologistes de Ronsard, M. Sainte-Beuve, a mis hors de doute le vrai titre du vieux poète, ses excellentes pièces dans les genres secondaires, ses sonnets amoureux, ses odes sans prétentions, ses chansons anacréontiques, ses discours en vers. M. de Banville a aussi son domaine, où il est chez lui, et dont les produits ne manquent ni de grâce ni de saveur. Son recueil des Stalactites en donne la plus juste idée : il excelle dans les pièces finement ciselées, dont les strophes taillées à facettes ressemblent aux cristaux sortis de la main d’un artiste. Une veine de sensibilité légère y jaillit quelquefois ; il oublie alors la mythologie, les musées, la description plastique ; il est poète. Telle était sa première pièce à la Font-George, à laquelle il donna une sœur, mais beaucoup moins jolie. Les Exilés visent trop au grand style, qu’ils atteignent rarement, tout au plus dans quelques pages, un peu confuses pourtant, de l’Ame de Célio. Sans hésiter, nous donnons la préférence au Pantin de la petite Jeanne malgré la puérilité de quelques vers du commencement, et surtout malgré les brisures des premiers vers, qui, se pliant en tout sens, à droite, à gauche, en avant, en arrière, sont à ressort comme le pantin dont il s’agit.

Si le grand style est un peu rebelle à son talent, ce n’est pas une raison pour qu’il abaisse outre mesure le ton de ses poésies. Ses premières Odes funambulesques avaient fait rire, étant jeunes aussi bien que lui. Malheureusement les louanges qu’elles ont attirées à l’auteur dans le rapport trop élogieux sur les progrès de la poésie ont mal conseillé M. de Banville, et il vient de donner de Nouvelles Odes funambulesques. Une espièglerie ne se recommence pas, surtout après vingt ans. Pour terminer sur M. de Banville, je dirai avec le poète : « ni si haut, ni si bas. » Ses deux ballades de la comédie de Gringoire valent mieux à elles seules que son livre des Exilés et que son recueil funambulesque. Je ne trouve dans ces deux volumes aucune de ces pièces ingénieuses et historiées qui font de lui le Voiture et quelquefois le Scarron du romantisme. Là est sa véritable originalité. Ces agréables poésies