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III.

Après la description, après la philosophie, la vie humaine a son tour, et l’avenir nous semble être de ce côté. Trop peu de vers de notre temps laissent une impression durable dans l’esprit, dans l’âme un amour pur et vivifiant. Parmi les écrivains que nous venons de parcourir, quelques-uns laissent parfois cette émotion précieuse : en cherchant les beautés de la nature ou de la pensée, ils ont rencontré celles de la vie humaine. Ceux dont il nous reste à parler n’ont pas atteint plus que les précédons la perfection, ils sont peut-être au-dessous de plusieurs d’entre eux ; mais la vie, l’humanité, la réalité historique ou morale, les intéressent davantage. A ce titre, nous faisons une place à part aux trois petits recueils de M. François Coppée, aux Amours et Haines de M. Édouard Pailleron et aux Rayons perdus de Mlle Louisa Siefert. Nous pourrions ajouter à ces trois noms ceux de M. Édouard Grenier, dont le volume justifie son titre d’Amicis par les douces affections dont il est le monument discret, et de M. Charles Coran, l’auteur amusant parfois, parfois aussi trop épicurien, des Dernières élégances.

La petite comédie du Passant a créé la réputation de M. François Coppée. Un acte, moins que cela, une scène, a fait de lui le héros de la jeunesse lettrée. Jusque-là, parmi les poètes de vingt à vingt-cinq ans, il avait plusieurs rivaux. Le bonheur d’une soirée l’a mis hors de pair ; la ville et la cour ont accueilli avec empressement son nom, que leur apprenaient les échos du théâtre. Les vers de M. Coppée étaient restés dans un cercle étroit, on a beaucoup lu les vers de l’auteur du Passant. Telle est la puissance d’un succès dramatique. Il est vrai que cette comédie en miniature méritait de réussir par sa fraîcheur et par l’unité de ton qu’une action aussi simple ne pouvait manquer d’avoir. Nous croyons assister au chant de ces maggiolate que les jeunes Florentins, à l’origine de la poésie italienne, récitaient dans la saison du renouveau. En même temps ils décoraient avec des feuillages verts du mois de mai la porte de celle qu’ils appelaient leur madonna, et ne se lassaient pas de lui répéter, pas plus qu’elle-même sans doute d’entendre, comment les vers et les pensers d’amour repoussent avec les premiers bourgeons. La poésie et l’amour sont un renouveau éternel, et nous ne sommes pas étonnés que le public de l’Odéon ait prêté à ce langage, exprimé en vers gracieux, une oreille aussi complaisante que les belles Florentines. M. Coppée nous paraît lui-même un Zanetto qui, bien reçu par Sylvia une première fois, ne l’a pas quittée sans esprit de retour. Il a goûté des joies du théâtre, il y reviendra sans doute ; pour nous, il est toujours le jeune poète du