Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/746

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre et du gouvernement tarissent les sources de la richesse qui vient du commerce, celle qui procède des progrès solides de l’agriculture est d’une nature beaucoup plus durable. » Le livre de M. Rebello da Silva donne un éloquent commentaire de cet axiome économique. « Nous avons cru, dit-il, que nous avions dans l’Inde un majorat inépuisable, et nous avons délaissé notre propre héritage. » À cette cause générale de décadence vinrent s’en joindre d’autres. Le fanatisme monastique et la tyrannie féodale prirent possession du Portugal. L’expulsion des Maures et des Juifs est de 1499, l’établissement de l’inquisition de 1536. Presque toutes les terres appartenaient à la couronne, au clergé et à la noblesse. Les cultivateurs désertaient les campagnes, on essayait en vain de les remplacer par des esclaves venus d’Afrique. Les céréales montèrent à des prix excessifs; on fut forcé d’avoir recours à d’énormes importations pour nourrir une population en déclin. Depuis 1640, l’agriculture portugaise a du faire des progrès sensibles, puisque la population a triplé; l’histoire de ces progrès fera le sujet du second volume.

L’Abrégé d’économie rurale à l’usage des écoles populaires présente un intérêt plus actuel. L’auteur y a réuni des notions justes sur le rôle des capitaux dans la formation de la richesse, sur la comparaison de la grande et de la petite propriété, de la grande et de la petite culture, sur l’action de la législation civile, sur la répartition de l’impôt, sur l’importance des moyens de communication, sur le débat entre la protection et la liberté commerciale. Présentées sous cette forme élémentaire, ces idées peuvent se répandre utilement. On aime à voir un homme que ses succès littéraires et politiques ont placé haut dans l’état consacrer de généreux efforts à l’enseignement populaire; mais ce n’est pas seulement aux écoles primaires que s’adresse ce modeste volume. On y trouve le résumé le plus complet qui ait paru jusqu’ici de l’état de l’économie rurale en Portugal. Sous ce rapport, il mérite une attention spéciale. L’auteur a soin de nous prévenir que les travaux de la commission de statistique ne sont pas assez avancés pour donner à ses évaluations une certitude suffisante; ce n’est qu’un essai, un premier aperçu.

Le Portugal a été à la fois très bien et très mal traité par la nature. On y trouve des plaines et des vallées d’une admirable fertilité, et les parties cultivées ont l’aspect d’un véritable jardin; mais un tiers environ du territoire se compose de montagnes escarpées, et sur d’autres points s’étendent des plateaux arides que la culture n’a pas encore abordés. On jouit sur les côtes du climat le plus heureux, le voisinage de l’Océan rend les hivers extrêmement doux et tempère l’ardeur des étés; mais dans les parties les plus favorisées des marais répandent autour d’eux l’insalubrité. Les vents d’ouest y déposent des pluies abondantes, et le sol est arrosé par de nombreuses rivières; mais ces cours d’eau ont des lits encombrés par les sables qui mettent obstacle à la navigation et à