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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/756

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cuplé depuis quarante ans. L’industrie était autrefois tout à fait délaissée. Aujourd’hui toutes les formes du travail industriel prennent peu à peu de l’importance, et on cherche avec passion les moyens de les développer. Au point de vue politique, le pays a échappé aux révolutions subversives. Il a conquis sa liberté sans trop de luttes. Il est loin d’être exempt des agitations qui accompagnent partout les institutions libres ; mais ces secousses n’ont rien de grave et de profond. Il a le bonheur d’avoir une dynastie nationale, libérale et populaire. Le patriotisme qui anime toutes les classes et l’extrême douceur des mœurs le préservent des dissensions violentes.

Les difficultés actuelles sont toutes financières. Le produit des impôts généraux peut être évalué à 90 millions. Cette somme doit s’accroître des contributions spéciales et locales, qui paraissent s’élever à une vingtaine de millions ; on trouve alors pour le total des revenus publics 110 millions de francs, ou 27 francs 50 c. par tête. En France, la même division donne 54 fr. par tête, d’où il suit qu’un Portugais paie la moitié de ce que paie un Français. La richesse moyenne devant être moitié moindre, le rapport paraît le même. L’équilibre entre les dépenses et les recettes est rompu depuis longtemps. Dans ces dernières années, le déficit annuel dépassait 30 millions de francs ; on le comblait par des emprunts. Le Portugal se débat aujourd’hui dans cette situation. Il faut de toute nécessité ou augmenter les recettes ou diminuer les dépenses, et probablement faire l’un et l’autre à la fois.

Je ne suivrai pas M. Rebello da Silva dans les calculs qu’il présente pour démontrer que l’impôt foncier est relativement léger en Portugal. De pareilles questions ne peuvent pas être traitées par un étranger en pleine connaissance de cause. Des charges beaucoup plus lourdes pesaient autrefois sur la propriété foncière, quand elle était soumise aux dîmes et à d’autres redevances. Il paraît juste de reprendre au profit de l’état une partie de ces anciens droits ; mais cette entreprise a échoué jusqu’ici devant la résistance des contribuables. À proprement parler, il n’y a que deux impôts indirects, au moins en ce qui concerne l’état, la douane et le tabac. Le Portugal est à peu près affranchi de taxes de consommation, et on comprend qu’il se montre peu disposé à s’y soumettre. Les impôts existans s’accroissent d’ailleurs d’eux-mêmes par le progrès de la richesse publique ; la douane à elle seule a passé en trente ans de 18 à 36 millions de recettes.

Restent les économies dans les dépenses. On ne peut en obtenir de sérieuses que sur les budgets de la guerre et des travaux publics. Le Portugal a une armée normale de 36,000 hommes, qui se réduit environ de moitié par les congés. C’est encore trop ; 8 ou 10,000 hommes suffiraient pour maintenir la tranquillité publique. Quant à la sécurité extérieure, elle n’a pas besoin d’être défendue. Le Portugal s’est donné le luxe de la