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REVUE. — CHRONIQUE.

l’Autriche qui continue dans d’autres conditions, et M. Saint-René Taillandier ne fait qu’en raviver les enseignemens dans les intéressantes et sympathiques études qu’il réunit sous le titre de Bohême et Hongrie, xve siècle-xixe siècle. De tout temps en effet, là, au centre du continent, il y a eu un problème qui n’est pas encore résolu. Il s’agit de rassembler en faisceau ces races qui ne veulent pas renoncer à leur indépendance morale, qui s’affaiblissent par leurs divisions, et qui, mieux dirigées, appelées à une vie nouvelle, peuvent jouer un rôle préservateur pour l’Europe au milieu de ces grandes et menaçantes agglomérations qui se préparent. M. Saint-René Taillandier le montre avec talent ; ce n’est pas une rêverie de l’histoire, c’est toute une politique au succès de laquelle la nation allemande elle-même est intéressée, si elle met le sentiment de sa vraie grandeur au-dessus d’une ambition sans règle, faite pour provoquer nécessairement des représailles.

Il y a une bien autre question qui se mêle aujourd’hui à la politique en Allemagne, qui commence à remuer les esprits, à faire diversion aux rivalités de l’Autriche et de la Prusse : c’est la question du concile qui va se réunir à Rome dans quelques mois. Que sera ce concile ? que sortira-t-il de ce conclave d’évêques rassemblé au Vatican sous l’autorité du souverain pontife ? C’est certainement une des affaires contemporaines les plus complexes, purement religieuse en apparence, très politique en réalité, touchant à tout, aux conditions les plus, essentielles de la civilisation moderne aussi bien qu’aux rapports de l’église et des pouvoirs publics, et on dirait que le saint-siége s’est plu à lui donner un caractère particulier de gravité en affectant dès l’abord une allure absolument indépendante, en s’abstenant de toute entente préalable avec les gouvernemens. L’Italie a été naturellement la première à s’émouvoir, puisqu’elle serait la première à souffrir des agitations religieuses dont le signal pourrait partir de Rome. On a publié, il y a quelques mois, au-delà des Alpes, une brochure sur le Concile œcuménique et les droits de l’état qui était une revendication nette et positive des prérogatives de la société civile, et tout récemment encore il y avait auprès de Florence, aux eaux de Montecatini, une réunion de diplomates qu’on a fort soupçonnés de s’être occupés du concile, d’autant plus que, parmi ces diplomates à la recherche de la santé, se trouvait par hasard, comme toujours, le chef du cabinet de l’empereur des Français, M. Conti ; mais ce n’est plus seulement en Italie désormais que la question s’agite, elle se débat évidemment et peut-être même avec plus de gravité en France à travers nos diversions intérieures, et depuis quelque temps elle est devenue un sujet de vive préoccupation en Allemagne. On en parle presque autant que de l’éternelle querelle de M. de Reust et de M. de Rismarck. On interroge par la pensée ce futur congrès ecclésiastique d’où on craint de voir sortir bien autre chose que des bénédictions pour la société moderne.