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Les catholiques de Bonn, de Coblentz, adressent des pétitions à leur évêque pour le tenir en garde contre les velléités théocratiques, contre la témérité de dogmes nouveaux, et d’un autre côté il va y avoir, dit-on, au mois de septembre, à Fulda, une réunion des évêques allemands. Moralement donc il y a en Allemagne une assez sérieuse agitation qui tendrait à revendiquer une certaine indépendance pour les églises nationales. Politiquement, il y a déjà quelques mois, le premier ministre de Bavière, le prince de Hohenlohe, a pris l’initiative d’une démarche directe auprès des cabinets pour appeler leur attention sur la nécessité de concerter leur attitude. Cette démarche ne paraît pas sans doute avoir produit jusqu’ici des résultats bien sensibles, et il n’est point impossible que sur ce terrain même on n’ait vu percer en Allemagne l’antagonisme qui s’y manifeste un peu partout. M. de Bismarck a été peut-être porté à faire aux ouvertures du prince de Hohenlohe un accueil d’autant plus gracieux que M. de Beust les recevait d’une façon assez évasive. Quant à la France, quoique naturellement sympathique à tout ce qui peut sauvegarder les droits de la société civile, elle ne semble pas être sortie d’une certaine réserve. Au total, il n’y a jusqu’à ce moment, si nous ne nous trompons, aucune combinaison diplomatique précise. L’initiative du prince de Hohenlohe n’est pas moins un point de départ ; elle répondait à une nécessité qu’on commence à sentir plus vivement qu’on ne la sentait il y a quelques mois, et on ne peut douter que ce ne soit désormais une des préoccupations sérieuses des cabinets européens.

Les gouvernemens seront-ils représentés au concile, comme ils l’ont été autrefois ? Voilà la question politique immédiate, qui, à vrai dire, n’est pas la plus grave. Ce concile, moitié entraîné, moitié convaincu, se laissera-t-il aller à prendre pour symbole le Syllabus de 1864, à promulguer des dogmes tels que l’infaillibilité du pape, à sanctionner un code religieux en opposition directe avec toutes les tendances des sociétés modernes ? Voilà la question morale. La situation du saint-siége est assurément délicate et critique. À ne considérer que les influences qui dominent à Rome, il est fort à craindre qu’on ne veuille aller jusqu’au bout, que le pape ne tienne à couronner son long pontificat par un de ces actes extraordinaires qui marquent un règne, qui peuvent aussi le perdre, et ce concile, qui est le dernier rêve de Pie IX, est peut-être destiné à faire plus que tout le reste pour décider la séparation définitive de l’église et de l’état, pour pousser les esprits vers la grande solution. Seulement il y a ici avant tout une difficulté pour la France ; cette difficulté, nous le redirons encore, c’est la présence de nos soldats. Que feraient-ils autour d’un concile ? Quel serait le rôle de notre drapeau couvrant de ses plis une assemblée d’où sortirait la condamnation de tous les principes qui sont l’essence de notre civilisation française ? S’il faut une armée de la foi, en voici une qui se présente pour con-