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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/870

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ornementation qui ne semble guère justifiée par la destination de ces lieux redoutables. Le plafond, composé de soffites encadrant des rosaces très saillantes, est extrêmement riche, mais il rend la salle excessivement sourde. La voix monte, se niche, s’éparpille dans d’innombrables petites cavités formées par les sculptures, ne redescend pas et plane ainsi au-dessus du public sans parvenir distinctement jusqu’à lui. La façade, qui par un escalier à double rampe s’ouvre sur la grande galerie, est de haut style; mais les dégagemens intérieurs qui sont destinés à faciliter le service même de la cour, le passage des magistrats, celui des jurés, sont une série d’échelles de meunier. Pour se rendre à la salle de ses délibérations, le jury doit monter un escalier de trente-deux marches; du reste, à parcourir l’intérieur du Palais de Justice tout entier, on serait tenté de croire que l’idéal poursuivi et trop souvent atteint par l’architecte a été la différence des niveaux. L’on descend et l’on monte sans cesse. La chambre du conseil, admirablement tendue d’étoffes magnifiques, d’où sort la cour pour entrer en séance, le palier que traverse le jury pour se rendre à son banc, ne sont même pas de plain-pied avec la salle des assises. Celle-ci est précédée, à chaque issue, par ce petit degré traître et funeste qu’on appelle un pas, et contre lequel on butte en entrant. La vieille cour d’assises, abandonnée aujourd’hui et dont le beau plafond s’écroule sous le poids des greniers remplis d’archives, n’offrait point de tels inconvéniens; on y circulait facilement sans avoir de marches inutiles à franchir, et la parole y trouvait d’excellentes conditions d’acoustique et de sonorité. Les façades sont fort importantes en architecture, j’en conviens; mais la distribution logique et bien appropriée du monument leur est supérieure.

A Paris, où les distances sont énormes, les audiences de la cour d’assises ne commencent guère avant dix heures et demie. Ordinairement elles sont peu suivies; la partie de la salle réservée au public est assez restreinte, et n’est guère occupée que par des désœuvrés ou des voleurs qui viennent étudier là sur nature les mystères du code pénal; mais, lorsqu’une affaire importante est inscrite au rôle, toutes les places sont envahies de bonne heure; on arrive là comme à une représentation extraordinaire, comme à un drame dont le héros, loin de réciter des phrases de convention, luttera pour défendre sa propre vie, et subira un dénoûment qui n’aura rien de fictif. Dans ce cas-là, les femmes, celles du meilleur monde mêlées à de petites bourgeoises curieuses, se glissent avec des sourires entre les bancs des témoins, se faufilent près des avocats, et prendraient jusqu’au siège du président, si on les laissait faire. Elles sont déplaisantes à voir, et la prétendue sensibilité dont elles ai-