nine ; la profondeur du sentiment religieux allemand et celtique manque à la race des vrais Hellènes... Une telle race eût accueilli Jésus par un sourire. Il était une chose que ces enfans exquis ne pouvaient nous apprendre : le sérieux profond, l’honnêteté simple, le dévoûment sans gloire, la bonté sans emphase. Socrate est un moraliste de premier ordre; mais il n’a rien à faire dans l’histoire religieuse. Le Grec nous paraît toujours un peu sec et sans cœur : il a de l’esprit, du mouvement, de la subtilité; il n’a rien de rêveur, de mélancolique. Nous autres, Celtes et Germains, la source de notre génie, c’est notre cœur. Au fond de nous est comme une fontaine de fées, une fontaine claire, verte et profonde, où se reflète l’infini. Chez le Grec, l’amour-propre, la vanité, se mêlent à tout; le sentiment vague lui est inconnu, la réflexion sur sa propre destinée lui paraît fade. »
Paul emporta d’Athènes une sorte de rancune amère contre la culture de l’esprit. Ayant échoué dans la ville des savans et des raisonneurs, il en voulut à la science et à la raison. Il réussit mieux à Corinthe, la moins grecque des villes grecques, et à Éphèse, où le goût du merveilleux et la mollesse générale des mœurs prédestinaient en quelque sorte les âmes au christianisme. Le nom de Jésus avait déjà retenti dans ces deux villes, Paul en fit son quartier-général, et travailla de tout son cœur à multiplier et à féconder la bonne semence. Il avait, depuis qu’il voyageait, noué de nombreuses relations, et laissé des disciples dans la plupart des villes qu’il avait visitées. En son absence, ces disciples s’abandonnaient au découragement ou mettaient en oubli les sages directions qu’il avait données. Plusieurs se laissaient séduire par un autre évangile que de bonne heure on opposa à celui de Paul. Il eût fallu que le maître fût partout à la fois pour fortifier les faibles, gourmander les oublieux et les ingrats, ramener les égarés, secouer la torpeur des uns, modérer l’enthousiasme intempérant des autres, ranimer les flottantes espérances. Paul se multiplia en écrivant. Ses lettres, c’était encore sa chaude et vivante parole. La correspondance de Paul tient de la sorte une grande place dans son œuvre. On ne saurait sans doute ranger les épîtres de l’apôtre parmi les chefs-d’œuvre de la littérature épistolaire. Paul n’est pas, à proprement parler, un écrivain. Nul ne s’inquiéta jamais moins décomposer et ne porta plus loin le dédain de la manière, l’oubli de l’art et de ce que nous appelons l’élégance et le bon goût. Cependant nul ne possède plus de personnalité dans la façon d’exprimer ce qu’il pense et ce qu’il sent. Le langage suit chez Paul le train de l’idée, et comme l’idée est exubérante, il est impétueux, heurté, saccadé, incohérent. Le raisonnement est indiqué, pas toujours suivi. Les transitions sont rares, les phrases interrompues, tron-