Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/916

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1850 étaient sur ces deux points assez sévères; ils accumulaient les certificats et les diplômes. La loi nouvelle au contraire se montra singulièrement facile. Tout Français âgé de vingt-cinq ans pouvait ouvrir une école. Il suffisait, pour la constatation de sa moralité, qu’il eût fait un stage de cinq ans dans un établissement public ou privé, encore le conseil supérieur se réserva-t-il le droit d’en dispenser. Quant à son instruction, on n’osa pas même lui demander ce diplôme de bachelier qu’obtiennent les élèves médiocres des lycées, et qui est exigé des maîtres d’étude; on le remplaça pour les victimes de l’examen universitaire par un certificat de capacité délivré par un jury mixte qu’on jugea devoir être plus complaisant. Voilà certes des exigences bien légères, et l’on ne peut guère se plaindre que les abords de l’enseignement soient difficiles pour personne. La liberté d’enseigner est peut-être la plus large de toutes celles que nous possédons en France. Il n’en est pas dont on jouisse à moins de frais et qui soit entourée de moins de restrictions et d’obstacles. Il existe même une catégorie de personnes pour lesquelles elle est à peu près absolue. La loi de 1850 a grand soin de dire qu’aucune de ces garanties qu’on exige de l’instituteur laïque ne s’applique aux professeurs des petits séminaires; il n’est question pour eux ni de brevet de capacité ni de stage. On admet que la robe suppose la moralité et que la désignation d’un évêque tient lieu de science. C’est ce que M. Beugnot appelle respecter « des droits légitimes. » Ainsi ce droit d’enseigner qu’on refusait absolument à l’état, on l’accordait sans discussion au clergé. Il est vrai qu’on maintenait sur les petits séminaires comme sur tous les autres établissemens la surveillance administrative. En un moment où l’on parlait si volontiers de la liberté et de l’égalité pour tout le monde, on n’osa pas créer une exception aussi scandaleuse à la loi commune. Ce fut le grief principal des catholiques extrêmes contre la loi et contre ceux qui l’avaient faite. Ils se plaignirent avec amertume qu’en permettant à l’inspecteur d’entrer dans les écoles ecclésiastiques on les livrait à l’état et à l’Université. Quand on sait à quoi se réduit cette surveillance, et qu’elle s’exerce presque uniquement sur les conditions de salubrité physique sans jamais s’occuper des méthodes d’enseignement ou de la force des études, on a quelque peine à admettre que ces plaintes violentes fussent sincères.

Que voulaient donc ces mécontens qui affectaient tant d’irritation contre une loi qu’on avait faite exprès pour eux? Il est facile de le deviner, et M. Beugnot, malgré sa réserve, le laisse entrevoir quand il se plaint de ces gens a qui réclament, non le droit d’enseigner en vertu d’une loi commune, mais un droit préexistant, sans limites, sans garantie, sans responsabilité. » C’étaient ses amis, et