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il ne faut pas rompre brusquement avec les traditions et les habitudes du passé. Qui donc oserait encore, après l’avortement rapide de la bifurcation, essayer de ces révolutions radicales qui prétendent tout renouveler d’un coup? Mais ce qui fait surtout aujourd’hui la force de l’enseignement public, c’est qu’il vit avec la liberté, et que l’expérience qu’il en a faite ne lui a pas été contraire. La loi de 1850, malgré les révolutions qui l’ont suivie, subsiste dans ses dispositions principales. La liberté de l’enseignement secondaire est entrée dans les habitudes du pays, et personne ne songe à l’abolir ou à la restreindre. Elle n’a pas eu pour l’Université les mauvais résultats qu’on redoutait. A partir de 1852, la population des lycées, qui était descendue à 20,000 élèves, s’est successivement relevée. Elle était de 36,000 en 1867, et ce nombre augmente tous les ans. Cette prospérité est d’autant plus remarquable qu’elle n’est pas due à la contrainte, et qu’on ne peut plus dire que l’état remplit ses établissemens en fermant les autres. Comme elle n’a plus pour motif le monopole et qu’elle repose sur la confiance publique, elle est à la fois plus flatteuse et plus solide. Aussi le moment me semble-t-il favorable pour chercher les moyens de perfectionner, autant que nous le pourrons, notre enseignement secondaire. C’est quand une institution est dans toute sa force qu’elle doit songer à corriger les défauts qu’elle se connaît. Elle s’y prend trop tard, si elle attend pour se réformer d’être faible et malade, et de ne pouvoir plus supporter ni le mal ni le remède.


II.

J’arrive donc aux réformes que l’on réclame pour l’enseignement secondaire. Elles sont nombreuses, et je ne pourrai m’occuper que des plus importantes. Notre système d’instruction publique a été très souvent attaqué, et l’on comprend bien pourquoi. Presque tout le monde chez nous passe par les lycées; c’est là que nous rencontrons pour la première fois ces maîtres impérieux qui mènent la vie, l’autorité et le travail. Les premiers rapports avec eux ne sont pas toujours agréables, et il en coûte de s’habituer à les subir. On en conserve souvent un souvenir fâcheux qui nous incline à croire que le lycée est mal fait. C’est ce qui donne à tant de gens l’idée de le refaire. Si l’on voulait les croire, si l’on consentait à expérimenter tous les changemens qu’ils proposent, cette pauvre machine de l’enseignement, tant remuée dans ces dernières années, achèverait de tomber en ruine. Elle s’exposerait au même sort que ce malheureux dont parle Pline, et qui avait fait graver sur son tombeau qu’il était mort de trop de médecins (se turba medicorum periisse). Notre enseignement secondaire fait donc bien de