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porté les prix à des taux exagérés. Dès l’année suivante, après la crise, les prix diminuèrent, et ils sont encore aujourd’hui au-dessous de ce qu’ils étaient il y a douze ans.

L’autre source d’erreur de l’économiste auquel nous répondons, c’est d’avoir établi des moyennes là où il n’était pas permis de le faire. Nous avons beaucoup de respect pour la statistique, nous la croyons utile à l’éclaircissement de bien des questions; encore faut-il qu’elle s’applique à des objets de même nature, obéissant aux mêmes lois et subissant les mêmes influences. C’est ce qui n’a point lieu pour les variations de prix des diverses marchandises. Ainsi, dans les tableaux qui ont servi à M. Jevons pour ses conclusions, on voit le coton brut tripler et quadrupler de valeur pendant la guerre civile d’Amérique et être encore aujourd’hui à un taux supérieur à celui des années normales, ce qui réagit nécessairement sur le prix des tissus qui en résultent. La soie est montée également à un chiffre excessif à cause de la maladie persistante de l’insecte qui la file. Enfin, sans parler des considérations générales tenant à la politique, dont on ne tient pas assez compte, il y a eu dans la période que l’on compare des abaissemens de tarifs, des facilités plus grandes accordées au commerce extérieur, qui ont exercé aussi leur influence sur les prix. Était-il possible d’établir une moyenne dans de telles conditions? Un maître des requêtes au conseil d’état, M. Bordet, dans un travail sur l’Or et l’Argent, publié en 1864, a fait le tableau de la variation des prix d’un certain nombre de marchandises de 1827 à 1852. Il les a classées par catégories et a pris pour base les documens officiels du commerce extérieur. Les chiffres qu’il donne, complétés pour les années postérieures à 1862 d’après les relevés authentiques, peuvent servir à montrer combien il faut se défier des moyennes établies sur un trop grand nombre d’objets divers. D’après ce tableau, la viande de boucherie, le gibier, la volaille, les œufs, ont subi de 1847 à 1868 une augmentation moyenne de 90 pour 100. Les comestibles végétaux, thé, café, cacao, huile d’olive, ont diminué de 40 pour 100; mais comme il y a eu sur ces denrées, en vertu de la loi du 23 mai 1 860, un abaissement de droits de 50 pour 100, l’augmentation, toute compensation faite, serait de 10 pour 100. Elle est de 50 pour 100 sur les matières premières, qui comprennent le lin teille, le coton ou la laine, la soie grège. — Sur les métaux de première fusion, tels que le cuivre brut, le plomb et le zinc, il n’y a pour ainsi dire pas de changement. — Sur les articles manufacturés au contraire, la diminution est de 33 pour 100, même en y joignant les tissus de coton, dont la matière première a éprouvé des fluctuations considérables et se paie aujourd’hui plus cher qu’en 1847. On en a distrait, par exemple, les tissus façonnés de soie.