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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/1018

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servons-nous de nos propres arsenaux, c’est-à-dire de la libre connaissance des papiers de nos archives. Ne nous laissons-nous pas devancer par nos voisins pour l’histoire générale du XVIIIe siècle par exemple ? Avons-nous sur l’époque du grand Frédéric, de Catherine II, de Joseph II, sur les démembremens de la Pologne, sur l’histoire diplomatique du temps de Louis XVI et de la période révolutionnaire, un nombre suffisant de livres à la hauteur de tels sujets ? De l’autre côté du Rhin, c’est avec une sorte de fiévreuse ardeur que MM. Pertz, Droysen, Schæfer, de Sybel, Hausser, Hermann et d’autres ont exposé, non sans le secours sans cesse renouvelé des renseignemens inédits, ces complications multiples desquelles notre politique a été continuellement solidaire. Ces livres peuvent n’être pas entièrement de notre goût, soit pour les opinions qui y sont émises, soit pour la forme qu’ils adoptent ; pour peu cependant que la recherche de la vérité nous anime, nous sommes heureux d’y rencontrer beaucoup de lumières dont nous pouvons faire notre profit. À nous d’ailleurs de lutter par une série de pareils ouvrages. De libéraux encouragemens exciteront l’initiative individuelle : déjà l’absence d’entraves administratives et quelque appui des conseils-généraux ont suffi à une petite association bordelaise fondée, il y a peu d’années, pour publier, sous le titre d’Archives de la Gironde, une série comptant déjà dix volumes in-4o, et réunissant ce que les archives locales et le Musée britannique contiennent de documens sur notre Guyenne : rôles gascons, actes du gouvernement anglais siégeant à Bordeaux au XVe siècle. Un pareil zèle servirait assurément la cause de l’histoire toute moderne. Nos directions d’archives se sont d’ailleurs mises parfois à la tête du mouvement. M. le maréchal Randon a donné, il y a quelques années, à un écrivain de talent la mission de publier ce que les archives du dépôt de la guerre possèdent de documens sur l’histoire du passé ; les livres de M. Camille Rousset ont répondu à cette mesure libérale. Nos archives de l’empire publient elles-mêmes leurs chartes du moyen âge, et ont favorisé la publication par M. Campardon, de l’utile correspondance concernant la célèbre diplomatie secrète du temps de Louis XV. Peut-être un jour nos archives diplomatiques, si précieuses pour l’histoire moderne, donneront-elles en une série de volumes bien ordonnés leurs principaux dossiers encore inédits. Il y aurait de quoi faire grand honneur à un ministère et à une direction.

On ne s’étonnera pas que les plus récentes révélations d’archives étrangères aient profité surtout à l’histoire du XVIIIe siècle : c’est l’époque la moins reculée sur laquelle on ait pu avoir communication de documens officiels, et cette époque recèle des problèmes fort voisins de ceux qui nous agitent aujourd’hui. L’intérêt s’y est donc porté tout d’abord. M. Alfred d’Arneth vient d’ajouter un volume à la riche série qu’il avait déjà publiée. On se rappelle l’impression profonde produite, il y a quatre ans, par son premier recueil, intitulé Marie-Thérèse et Marie-Antoinette.