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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/1028

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chaque phénomène. Les forces naturelles n’étant au fond que des manifestations diverses d’un seul principe, qui est le mouvement, le travail sera la commune mesure des effets qu’elles produisent. La chaleur, l’électricité, l’affinité chimique, se comparent aux actions mécaniques qui soulèvent un poids, et leur énergie s’exprime en kilogrammètres. M. Gavarret, professeur de physique de la Faculté de médecine, a essayé d’étendre cette belle et féconde doctrine aux phénomènes biologiques. Il a poussé l’étude de la question aussi loin que le permettaient les faits déjà démontrés et acquis. Après avoir esquissé à grands traits le mouvement circulatoire qui entraîne la matière inorganique du sol à la plante, de la plante à l’animal, qui la rend au sol, M. Gavarret aborde les propriétés des tissus, dont il analyse les activités propres et le travail spécial. Il cherche à démontrer que la force musculaire est due tout entière à la combustion des principes alimentaires, qui ont emprunté la force au soleil lorsqu’il faisait éclore les plantes. Cet échange incessant de matière et de force entre les trois règnes justifie l’extension de la théorie mécanique au monde organisé. Les fonctions des organes représentent le travail accompli par les différentes réactions physiques ou chimiques d’où dérivent les activités propres des élémens histologiques. Ceci semble démontré pour des organes tels que le foie, le rein, le muscle. Quant au système nerveux, nous savons seulement que le travail des tissus organiques est une condition nécessaire des manifestations psychiques, mais rien ne démontre qu’il en soit la cause. Il y a une ressemblance incontestable entre l’effort intellectuel et l’effort physique ; mais cette analogie ne constitue pas l’identité. Il n’y a pas de commune mesure entre une quantité de chaleur disparue et une pensée conçue ; le travail cérébral et la manifestation psychique qui l’accompagne ne diffèrent pas seulement par la forme ; rien ne nous autorise à considérer ces deux efforts comme étant de même nature. M. Gavarret, tout en avouant la nécessité où se trouve la science de s’arrêter devant cette barrière, ne paraît pas éloigné de croire qu’un jour elle sera franchie. Sur ce point, les opinions peuvent différer ; mais il faut reconnaître que la méthode expérimentale semble appelée à renouveler la science, et que les progrès que le livre de M. Gavarret résume avec une grande clarté sont de nature à frapper le lecteur et à l’étonner.


R. RADAU.


C. BULOZ.