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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/149

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ne voulait pas. — Qu’un litige s’élève en matière administrative, il est porté devant le conseil de préfecture. Quels sont les juges qui prononcent ? Des personnes fort honorables sans doute, mais nommées par le ministre de l’intérieur, partageant ses préoccupations, peu disposées, comme lui, à donner tort à celui qui le représente, c’est-à-dire au préfet. Ici, il est vrai, on peut former un appel, mais devant quelle autorité ? Devant le conseil d’état, dont les membres sont choisis par le souverain, le chef suprême de l’administration. Le pouvoir administratif est donc certain d’avoir toujours le dernier mot. Sans pousser la logique à outrance, on peut dire que, placé sous sa main, le pays n’agit, ne respire que dans la mesure de sa volonté.

Il serait trop long d’examiner avec quel art la centralisation a maintenu son empire sur la France. Qu’on lise les lois de 1833, de 1838, de 1866 sur les conseils-généraux, celle de 1867 sur les conseils municipaux ; dans toutes, avec plus ou moins de réserve, se manifeste la même défiance des représentations locales, la même ambition de conserver au gouvernement le moyen de les contenir, de les réprimer, de les annihiler au besoin. On a fait grand bruit d’un décret du 25 mars 1852 qui affichait l’intention de relâcher les liens administratifs. On lisait dans un des considérans : « Attendu qu’on peut gouverner de loin, mais qu’on n’administre bien que de près, qu’en conséquence autant il importe de centraliser l’action gouvernementale de l’état, autant il est nécessaire de décentraliser l’action administrative, — les préfets statueront sans l’intervention du ministre de l’intérieur sur les questions dont la nomenclature est déterminée dans un tableau annexé. » Cette nomenclature est longue. Le même décret donne aux préfets le droit de nommer une classe d’employés et d’agens qui étaient autrefois au choix du ministre de l’intérieur. Cette prétendue concession accroît l’influence des préfets. Du point de vue d’où nous examinons cette question, c’est plutôt une augmentation qu’une diminution de la force administrative.

La loi de 1866 sur les attributions des conseils de département a eu la même prétention. Elle a bien délié quelques nœuds de la chaîne administrative, mais ce serait une étrange illusion de croire qu’elle a constitué pour les départemens une véritable indépendance. Avec quel soin au contraire elle écarte de ses dispositions tout ce qui pourrait avoir quelque efficacité politique ! Elle refuse aux assemblées départementales la nomination de leur président, de leur vice-président et de leurs secrétaires, le droit de mentionner dans les procès-verbaux des séances le nom des membres qui ont pris part à la discussion et à plus forte raison celui de vérifier les pouvoirs de ceux qui sont appelés à siéger, l’autorisation de