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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/158

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d’intervenir entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif pour arrêter toute entreprise que l’un ou l’autre tenterait en dehors de sa sphère constitutionnelle.

Comment sera formée la chambre haute ? Ici se présente une véritable difficulté. Il faut que les élémens qui la composent lui soient propres et en même temps qu’ils ne soient pas contraires à la démocratie, puisque c’est d’une constitution démocratique qu’il s’agit. Si les membres sont demandés directement à l’élection, elle n’est plus qu’une doublure de la première chambre. Charger le pouvoir royal de la nommer, c’est donner à ce pouvoir deux organes dans laà confection des lois et la prééminence législative. Pour obvier à ces objections, M. Prevost-Paradol a proposé le système suivant. On grouperait les conseils-généraux des départemens qui ont certains intérêts communs en assemblées régionales à l’instar des ressorts de nos cours d’appel. Ces divisions territoriales, au nombre de vingt ou vingt-cinq dans toute la France, auraient à pourvoir chacune par l’élection à huit ou dix sièges de la chambre haute, ce qui ferait un ensemble de deux cent cinquante membres. Ce nombre serait porté à trois cents non par des nominations arbitraires, mais par des sièges dévolus de droit à de hauts personnages pour les fonctions qu’ils remplissent dans l’état ou à des illustrations personnelles pour de grands services rendus au pays. Le premier président de la cour de cassation, le premier président de la cour des comptes, les amiraux et les maréchaux feraient de droit partie de l’assemblée ; enfin l’Institut élirait dix membres, à raison de deux par chaque académie.

Le recrutement d’une fraction de la haute chambre au moyen d’un droit attaché à la fonction ou au titre de la personne ne me semble pas heureux. Une assemblée délibérante, pour être animée de l’esprit de corps, si utile à sa dignité et à son indépendance, ne doit renfermer dans son sein qu’un seul élément ; il faut que ceux qui y siègent y soient arrivés de la même manière, qu’il n’y ait entre eux que la distinction des vertus et des talens : pas de bancs de magistrats, de savans, de maréchaux, d’évêques. Laissons tous ces personnages attendre et recevoir leur droit de l’élection des conseils-généraux. La position qu’ils occupent, leur renommée, l’éclat de leurs services, appelleront naturellement l’attention sur eux, et les départemens se disputeront l’honneur de les nommer. Le baptême électoral n’effacera pas leur titre de magistrats, de maréchaux, d’académiciens ; mais il leur permettra de l’oublier dans l’enceinte législative lorsqu’ils auront à délibérer sur la guerre, la justice et l’instruction publique. Il les débarrassera d’une sorte de mandat impératif qu’ils porteraient avec eux, si leur siège dépendait de leurs fonctions. Aux États-Unis, société éminemment