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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/159

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démocratique, les membres du sénat sont élus par les représentans de chaque état, ce qui ressemble fort aux divisions régionales dont il est ici question. En Belgique, le sénat puise son existence à la même source que la chambre des députés, mais à des conditions différentes ; la durée du mandat est double, et, pour être éligible, il faut être âgé de quarante ans au moins et payer 1,000 florins d’impositions directes, patente comprise. Dans ces deux pays, la seconde chambre remplit parfaitement sa mission.

Voici donc trois corps qui concourent à la loi, le pouvoir exécutif, l’assemblée populaire et le sénat. Comment s’établiront leurs rapports ? Par l’intervention ministérielle. Les ministres ne sont les mandataires ni du chef de l’état ni des chambres, ils sont l’organe des communications qui s’échangent entre eux. S’ils étaient l’organe du pouvoir exécutif et s’ils dépendaient de lui, ils l’engageraient dans toutes leurs démarches et le compromettraient par leur langage ; s’ils étaient les instrumens du pouvoir délibérant, ils pénétreraient avec ce caractère dans la sphère administrative, et lui enlèveraient sa liberté d’action. Leur rôle est mixte et complexe : ils sont de véritables intermédiaires n’appartenant ni au chef de l’état ni aux chambres, et procédant de ces deux pouvoirs à la fois dans une certaine mesure et par des modes différens.

Je crois que M. Prevost-Paradol ne s’est pas bien rendu compte de cette fonction dans l’ordre constitutionnel. Oui, comme il le propose, les ministres doivent être pris dans la représentation nationale, être comme imprégnés de l’opinion qui y domine, exercer dans l’enceinte législative une influence réelle ; mais ces conditions restreignent forcément le cercle où le chef de l’état, qui les nomme, peut trouver des ministres, et le forcent de les prendre dans les rangs de la majorité triomphante. En Angleterre, où le gouvernement représentatif s’applique avec tant de régularité par suite non d’un texte constitutionnel, mais d’une longue pratique, le choix de la couronne et l’intervention du parlement dans la formation des cabinets se combinent et se limitent réciproquement. M. Prevost-Paradol innove à cet égard et change radicalement le rôle du ministère par l’origine exclusivement parlementaire qu’il lui donne. Il veut que le président du conseil soit élu par la chambre des députés et qu’il choisisse librement ses collègues. Cette élection serait valable jusqu’à la démission de celui qui en serait l’objet ou jusqu’à ce que l’assemblée, de sa propre autorité, recoure à une élection nouvelle. Quoi ! le président du cabinet sera nommé par l’assemblée, organe du suffrage universel ? Procéderait-on autrement, s’il s’agissait d’élire le président d’une république ? Ce président du conseil ne sera pas le chef d’un cabinet, il sera le chef suprême de l’état ; il aura plus de puissance réelle que le roi, plus de