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serait utile que les chefs des parquets de la cour de cassation et de la cour impériale fissent partie du cabinet. Deux membres de l’assemblée législative occuperaient ces sièges et deviendraient les suppléans et les auxiliaires du ministre de la justice dans les débats parlementaires. Avec lui, ils auraient à justifier de l’application des lois promulguées, de la jurisprudence adoptée ; ils auraient à rendre compte des poursuites dirigées contre les journaux et l’exercice du droit de réunion, des conflits survenus entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire, enfin des instructions adressées dans tout l’empire en vue de circonstances politiques. L’importance de ce rôle explique l’exception au principe de l’incompatibilité du mandat de député avec une fonction rétribuée. Il va de soi que ces deux hauts fonctionnaires, attachés à l’existence du ministère, suivraient sa fortune et se retireraient avec lui. Ce que je propose existe en Angleterre. L’attorney général et le solicitor font partie du cabinet.

Je reviens au recrutement de la magistrature. Il n’est pas nécessaire de dire que des conditions de capacité et de préparation doivent être posées à ceux qui entrent dans cette noble carrière. Il importe de maintenir les examens et les grades conférés par nos facultés. En France, la nomination des magistrats dépend exclusivement du chef de l’état ; l’indépendance du corps judiciaire est atteinte par ce système. Malgré l’inamovibilité, le gouvernement exerce une influence considérable sur les juges. Les choix du pouvoir exécutif doivent donc être subordonnés à certaines conditions. M. Prevost-Paradol développe une combinaison où sont évités d’une part les inconvéniens de la désignation populaire, de l’autre ceux de la nomination directe par le chef de l’état. Ainsi, pour remplir une vacance dans un tribunal civil, les membres de ce tribunal présentent une liste de candidats qu’on peut supposer dictée par l’esprit de corps ; mais en même temps le conseil d’arrondissement en présente une autre, probablement formée sous une préoccupation différente, et c’est sur ces deux listes, et conformément à la proposition du ministre de la justice, que le roi fait la nomination. Le conseil-général intervient concurremment avec la cour impériale quand il y a un vide à combler dans les rangs de cette dernière ; enfin les cours d’appel, la haute cour de justice et la cour de cassation ont le droit de présenter des listes de candidats lorsqu’il s’agit de pourvoir à un siège de la cour suprême. Chaque tribunal élit son président et ses vice-présidens. Ce système de recrutement fonctionne en Belgique. Il n’est guère possible de lui objecter ce qu’on oppose ordinairement aux innovations libérales d’une origine étrangère, à savoir que l’organisation sociale et les mœurs où elles ont pris naissance diffèrent essentiellement des nôtres. La Belgique, tout le monde le sait, est