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accusatrice, fournir quelque preuve, citer des textes… Là-dessus, se redressant comme une personne qui prend peur : — Pensez-vous donc, me répond-elle, que je hasarde ma foi dans des études si périlleuses ? Je n’ai jamais ouvert un seul de ces livres. — Comment, madame, c’est en parfaite ignorance de cause que vous vous prononcez sur une controverse pareille, et que vous taxez les gens d’hérésie ? — Voilà une discussion qui ne servira point, ou je me trompe fort, à la faire nommer gouvernante. J’espère aussi avoir quelque peu endommagé l’influence du docteur Smaldridge, qui fut jadis un des soutiens de Sacheverell, et qui compte avec lord Nottingham parmi les meilleurs appuis du torysme. A eux deux, si on les laissait faire, ils mettraient toutes choses sur le bon pied, — c’est leur expression favorite, — l’un dans l’état, l’autre dans l’église. Jamais je n’ai regardé lord Nottingham comme un whig de bon aloi. Son hostilité contre le dernier ministère de la reine Anne était le résultat de la haine qu’il portait à lord Oxford (haine payée d’un ample retour) et de sa rancune contre la reine, laquelle le jugeait un homme rapace et lui témoigna toujours une mortelle aversion. On a une lettre d’elle à lord Godolphin où elle dit a qu’elle perdra sa couronne avant d’employer lord Nottingham, dont la suffisance impérieuse et l’avidité insatiable l’ont à jamais éloignée. »

J’ai lu aujourd’hui à la princesse tous les témoignages relatifs aux désordres qui, le jour du couronnement, éclatèrent sur trois points différens, et aux outrages dont le roi fut alors l’objet. Le prétexte de ces rébellions et l’excuse invoquée par les accusés, c’est qu’on les aurait provoqués en brûlant les effigies du pape et du prétendant. On devait aussi, selon eux, livrer aux flammes l’image de Sacheverell, et leur mot d’ordre en conséquence était partout : Sacheverell for ever ! Le fait est que toutes ces manœuvres ont eu pour objet l’élection d’un parlement tory. Chaque jour, pour ainsi dire, la publication de quelque scandaleux pamphlet venait surexciter l’opinion en diffamant quelque notabilité du parti whig. Je me souviens, entre autres, d’avoir acheté et rapporté chez nous un prétendu discours prononcé, — assure-t-on, — par mon mari en faveur du duc d’Ormond devant le roi siégeant en conseil !… Ce qui mit le comble à cette confusion fut la proclamation du prétendant, adressée le même jour à tous ou presque tous les hauts fonctionnaires, et qu’ils reçurent par la poste. Ce prince y parlait si ouvertement des dispositions de la feue reine, « favorable, disait-il, à ses droits, » que tout le monde crut ce document apocryphe ; mais huit jours plus tard M. Prior, ministre plénipotentiaire à Paris, en affirma l’authenticité, qu’il avait tout d’abord révoquée en doute. Rien n’a mieux servi que cette déclaration à convaincre la cour que, s’il est convenable de donner aux tories quelques bonnes