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ont soupé chez moi. La première m’a montré une lettre de lord Bolingbroke à son père, lettre où il proteste de son innocence par rapport au prétendant. J’en ai pris soigneusement copie, mais je doute qu’il en tire grand avantage


III

Ici le journal s’interrompt et n’est repris qu’au mois d’octobre. Nous retrouvons lady Cowper installée à Kensington, d’où elle vient fréquemment à Londres, « et sans avoir rien à craindre, nous dit-elle, depuis que les troupes sont campées dans Hyde-Park. » Elle y vient pour presser, autant qu’il est en elle, l’expédition des secours que réclament à grands cris ses « amis de Newcastle, » menacés par les rebelles du Northumberland. La prise d’armes de 1715 date du 6 septembre, jour où l’étendard du Chevalier fut levé en Écosse (à Kirkmichael) par le comte de Mar. Forster et Derwentwater ne soulevèrent les comtés de Northumberland et de Lancastre que le 6 octobre suivant. Lord Halifax était mort avant tous ces troubles, et Stanhope, devenu le principal ministre, tenait tête à l’orage subitement déchaîné avec des ressources dont l’insuffisance étonne encore aujourd’hui ceux qui écrivent l’histoire de ces temps agités. Bolingbroke, poursuivi avec une vigueur peut-être excessive et dans tous les cas fort maladroite, s’était réfugié sur le continent, et peu après, jetant le masque, avait accepté la direction des affaires de Jacques III.

Dans cet intervalle de février à octobre, les souvenirs de lady Cowper n’enregistrent guère que des luttes d’influence à propos de telle ou telle place que l’on veut obtenir de tel ou tel ministre, et que celui-ci défend de son mieux, dans l’intérêt de ses protégés personnels, contre l’influence des princes et des favoris. Le « patronage » est, pour les hommes d’état anglais, un moyen de gouvernement dont ils entendent se réserver l’honneur et les avantages moraux. Une autre grande préoccupation de lady Cowper est la guerre sourde que les collègues de son mari faisaient à ce dernier, regardé par eux à la fois comme un associé peu traitable, un rival éventuel, un successeur possible. Ils voudraient l’écarter en l’abreuvant de menus dégoûts, et Townshend comme Walpole y travaillent à qui mieux mieux, non sans quelque succès. Bernstorff lui-même, dont lady Cowper s’est longtemps ménagé l’appui, Bernstorff est circonvenu. Il vient un beau jour lui faire une espèce de scène, qu’elle supporte avec une indignation contenue, et qui laissa une rancune de quelque durée chez notre fière Anglaise.

… Quand mon mari fut parti, Bernstorff se mit à parler du congé