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demeura ce qu’elle était, et le zèle dont elle se sentit enflammée pour les intérêts catholiques se traduisit dans la forme qu’avaient prise les émotions qui l’agitaient autrefois. Elle désavoua tous ses ouvrages et en entreprit une série de nouveaux. La théologie y remplaça l’amour, et la propagande les anciennes ardeurs d’émancipation. Au fond, ce fut le même esprit exclusif et hautain, qui ne comprend point que le monde entier ne le suive pas dans toutes ses traverses.

Nous retrouvons là Faustine, transformée, mais non guérie, une Faustine convertie et convertisseuse, mais toujours aussi concentrée dans son inaccessible orgueil. Il n’y a qu’un raffinement de plus ; elle est devenue dévote. C’est Doralice qu’elle se nomme. Unie à un homme inférieur qui l’accable d’outrages, elle est forcée de le quitter et se réfugie dans sa famille, où elle vit en faisant le bien. Deux hommes également nobles, attirés par les charmes de sa personne et de ses vertus, lui offrent leur main. Elle pourrait divorcer, elle refuse pour rejoindre son mari, qui la rappelle, et se consacrer à lui. L’abnégation est édifiante, et l’exemple préférable sans doute à celui que donnait Faustine. En ce point, il y a progrès ; le reste n’a point changé. C’est le même coloris, ce sont aussi les mêmes ombres. La liste des productions de la comtesse dans cette dernière période serait longue à dresser, et n’est point close encore. On y trouverait des ouvrages de toute sorte, des poèmes à la Vierge, des romans d’édification, des mélanges de controverse violente et de confessions à la manière de celles d’Augustin, une vie de ce saint et jusqu’à une réfutation de la Vie de Jésus sous le titre pittoresque de Ben-David. — Cette conversion bruyante a été appréciée très diversement : Mme de Hahn ne peut se plaindre qu’on la juge avec passion. Je ne rapporterai ici qu’un passage d’une lettre contemporaine qui me paraît donner la note la plus juste dans le concert mélangé qui salua l’évolution de la célèbre romancière. Elle est écrite à une amie de la comtesse par une protestante qui venait de lire le premier ouvrage de polémique de la nouvelle convertie. « Ce livre, dit-elle, est une grande leçon, non pas pour se faire catholique, mais pour rester femme, c’est-à-dire préférer à tout l’ombre… Tout ce que dit la comtesse me fait l’effet d’un bouquet de fleurs artificielles dont son odorat ne peut se passer. Elle est sincère en se trompant ;… sans s’en douter, la comtesse Hahn catholique est encore la comtesse Hahn, la femme dont le moi joue un grand rôle, même aux pieds du Seigneur… Le premier objet de son amour s’est brisé, un second était prêt, elle l’a saisi. »

Restons sur ce jugement. Mme de Hahn a fondé un couvent près de Mayence, et elle s’y est retirée. Elle se contente d’une cellule où elle vit dans la simplicité la plus monastique, mais non point dans