Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/439

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Eberhardino-Caroline. Toutes les universités se regardent et se traitent comme sœurs, en Prusse, en Autriche, en Suisse, en Bohême. Cette fraternité s’étend sans cesse. Les universités de Russie et de Hollande empruntent maintenant des professeurs à l’Allemagne. Un grand pas dans la civilisation sera accompli le jour où nos institutions modifiées permettront aussi à la France un pareil échange d’hommes de science avec les nations voisines[1]. Les universités allemandes, d’ailleurs absolument indépendantes les unes des autres, sont établies sur le même plan et soumises au même régime. Les détails des règlemens, la fortune particulière dont elles disposent, les rapports avec les gouvernemens sous lesquels elles sont placées, offrent quelques variantes ; le fond du système est partout le même. Si l’harmonie existe quelque part en Allemagne, c’est là. Dans ce pays si longtemps divisé, les universités ont travaillé peut-être plus efficacement que la diplomatie à effacer les traces de ce moyen âge d’où elles sortent, et à préparer l’unité allemande, qu’elles ont toujours reconnue en principe.

Une grave erreur est de croire que les universités d’Allemagne sont indépendantes des gouvernemens. En principe, l’état les subventionne ; de plus il nomme les professeurs. Sans doute il y a des universités assez riches pour pouvoir à peu près se passer de subsides. Telle est la petite université prussienne de Greifswald ; elle a 75,000 thalers de revenu et elle n’en reçoit que 1,200 du gouvernement. Le fonds de l’université, quand il y en a un, est la propriété de la corporation, et ne peut être aliéné par l’état. S’il est suffisant, l’université échappe en quelque sorte au pouvoir administratif, qui ne peut pas même la transporter d’une ville dans une autre. A Fribourg, la principale ressource de l’université est une dotation municipale qui serait annulée en cas de déplacement ; mais ce sont là des conditions exceptionnelles. La plupart des universités reçoivent de l’état un subside considérable, surtout si on le compare au budget des petits pays qui le votent. L’université de Leipzig a un revenu de 120,000 thalers ; la Saxe ajoute à cette somme 53,500 thalers par an. L’université de Berlin n’a que 72 thalers de revenu ; elle reçoit 180,000 thalers du gouvernement. La Prusse, pour ses sept universités, Berlin, Bonn, Breslau, Kœnigsberg et Munster, a pendant l’exercice 1861 dépensé 530,860 thalers, soit en chiffres ronds 2 millions de francs, auxquels viennent s’ajouter les revenus

  1. L’obstacle vient de nous. En France, les professeurs, véritables fonctionnaires de l’état, doivent remplir certaines conditions de nationalité. Rien de cela n’existe en Allemagne. La science y est considérée comme cosmopolite. Nous ne doutons pas que, si quelque savant éminent français sollicitait une place de professeur à Berlin ou à Vienne, il n’eût toutes chances d’y être appelé.