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universitaires et les droits perçus. En tout, la Prusse a dépensé dans l’année 1861, avant les annexions, 2,500,000 francs pour l’enseignement supérieur[1]. Dans ce total ne sont pas compris les frais d’étude, toujours payés directement au professeur, dont ils constituent parfois tout le traitement.

Aux termes de la loi prussienne, « les universités du royaume sont des corporations privilégiées se composant de la réunion des professeurs, des étudians immatriculés, ainsi que des employés et sous-employés de son administration, » c’est-à-dire que toutes les personnes attachées à l’université jouissent des privilèges académiques. Il n’y a pas jusqu’aux maires d’armes, de natation, d’équitation, jusqu’aux appariteurs, au concierge, au geôlier, à l’allumeur, qui ne profitent de ces avantages, et ne voient leur nom à la suite de ceux des professeurs sur la liste officielle des membres de la corporation. Pour les étudians, le seul fait de l’inscription leur confère le droit de bourgeoisie dans l’université. Ils relèvent dès lors, comme les employés et les sous-employés, d’une juridiction spéciale, dont le représentant, en Prusse du moins, prend le nom de juge de l’université. C’est ordinairement un magistrat de la ville. Il a rang de professeur, et se tient à la gauche du recteur. Il connaît de tous les délits disciplinaires et correctionnels que commettent les étudians et les employés, même au dehors, et peut condamner à la prison. La peine est subie dans le cachot académique.

Quant aux professeurs, ils se gouvernent eux-mêmes, décident toutes les questions relatives à l’enseignement, et n’ont pas de soin plus jaloux que de maintenir intactes leurs vieilles prérogatives. Sans doute celles-ci ne sont plus ce qu’elles furent jadis, elles ont été amoindries par les expansions successives du droit commun ; mais elles sont restées une garantie d’indépendance pour le corps enseignant, et cela suffit pour qu’elles lui soient précieuses. Les professeurs ne relèvent que d’eux-mêmes et des chefs élus par eux. Chaque année, la faculté nomme son doyen, et les quatre facultés, réunies en assemblée générale, procèdent à l’élection du recteur et du sénat. Ce dernier corps se compose du recteur, de son prédécesseur, des quatre doyens soi tans et de six membres choisis parmi les professeurs. Il représente la plus haute expression du pouvoir académique et juge toute affaire en dernier ressort. Il est chargé d’administrer la corporation et de la défendre au besoin contre les envahissemens du pouvoir. C’est encore une prérogative universitaire que tout document publié par le sénat et revêtu de la signature du recteur est affranchi de la censure dans les pays où elle existe. Fières de leur indépendance, fortes de leurs droits, ces petites assemblées ont

  1. La population de la Prusse, d’après les documens prussiens, était évaluée à cette époque à 18,491,271 habitans.