Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passe discrètement-, mais l’enchère n’est pas moins réelle. C’est ainsi qu’un professeur, selon son mérite comme savant ou son succès dans ses leçons, — ces deux avantages sont également recherchés, — arrive à s’élever des petites universités aux plus importantes ; mais, eut-il conquis sa situation à Vienne ou à Berlin, il doit lia maintenir au prix d’efforts incessans. Le professorat n’est jamais en Allemagne un champ de repos ou le couronnement d’une carrière qui finit. C’est toujours l’arène et le combat. Les intérêts matériels commandent de ne pas s’endormir.

Le professeur en effet ne reçoit pas de l’état, comme en France, la totalité de ses honoraires. Une partie est directement payée par les élèves. Le système français peut avoir ses avantages ; il a certainement quelques inconvéniens. Le moindre est qu’on s’habitue à regarder ce revenu fixe comme la récompense d’une vie consacrée au travail, et non comme la rémunération des soins donnés à l’enseignement. La conséquence est que le professeur s’occupe fort peu de ses élèves. Nos hommes de science ont rarement autour d’eux des étudiais qui les paient : ils se retranchent même à cet égard derrière une sorte de dignité qu’on juge sévèrement en Allemagne. « La gratuité de vos cours, nous disent les Allemands, a l’air d’être avantageuse aux élèves ; elle l’est surtout au professeur, qu’elle dispense d’un enseignement de toutes les heures, pour lequel il a le droit de prétendre qu’il n’est point rétribué. » Il est douteux en effet que la gratuité soit même avantageuses l’élève. Tous ceux qui ont fréquenté ou dirigé des laboratoires savent qu’à fort peu d’exceptions près ceux-là seuls travaillent qui paient. Nous sommes ainsi faits. La gratuité de l’enseignement supérieur, est une généreuse utopie ; mais c’est une utopie, et puis est-il bien juste que des études qui conduisent aux honneurs, aux grandes industries, à des situations brillantes et lucratives, soient gratuites, quand personne ne songe à demander la gratuité de l’enseignement secondaire, indispensable aujourd’hui pour entrer dans la plus modeste carrière. Il y a là une certaine inconséquence.

L’Allemagne trouve un double avantage à ce que le professeur, en plus du traitement fixe de l’état, touche une rétribution directe des élèves qui suivent ses leçons. D’abord le maître se préoccupe davantage de répondre à leurs besoins ; ensuite ses honoraires se proportionnent ainsi toujours à son mérite, soit qu’il attire les étudians par d’excellens cours, soit que l’on vienne de toutes parts écouter l’auteur de travaux éclatans. En France, l’étudiant paie chaque trimestre une inscription, qui ne lui conféré en réalité aucun droit, puisque les leçons des facultés sont publiques. Le montant de ces inscriptions vient s’ajouter au prix des examens et du diplôme. C’est un impôt sur le titre de docteur. En