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On ne connaît pas en Amérique cette impolitique répartition du savoir qui pendant si longtemps a été regardée en France et dans d’autres pays comme une sorte de nécessité sociale, accordant aux pauvres et aux habitans des campagnes une instruction élémentaire souvent fort restreinte, et réservant aux privilégiés de la fortune l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur. Le système de l’Amérique assure aussi bien aux écoles rurales qu’aux écoles urbaines le bienfait de l’instruction secondaire. L’esprit éminemment libéral dans lequel a été conçue l’organisation de l’éducation publique a voulu que les études qu’embrasse l’enseignement, depuis ses degrés les plus élémentaires jusqu’aux plus élevés, fussent communes aux jeunes gens et aux jeunes filles, réunis le plus souvent dans les mêmes établissemens ; enfin lorsqu’il a été question, pendant les années qui viennent de s’écouler, de créer des écoles pour les nègres, personne n’a eu la pensée d’en restreindre l’enseignement et de le circonscrire dans d’étroites limites.

Cette participation des jeunes filles à l’enseignement supérieur, l’élan généreux qui a porté les habitans des États-Unis à improviser en peu d’années un vaste système d’éducation pour les enfans des nègres affranchis par suite du triomphe du nord sur le sud, sont un sujet d’étude qui nous a semblé digne d’être traité avec quelque étendue.


I

Tandis qu’en Angleterre, en France et dans plusieurs états de l’Europe, on révoque en doute le droit des femmes à une éducation supérieure, que l’on va jusqu’à leur refuser une intelligence suffisante pour les hautes études scientifiques, il est une nation pour laquelle la question est depuis longtemps résolue. Les États-Unis, habitués à donner l’expérience pour base à toutes les théories, n’ont pas commencé par se demander quelles pourraient être pour la famille et pour la société les conséquences d’une extension donnée à l’éducation des femmes ; ils leur ont ouvert toutes les écoles, ils ont voulu qu’elles ne demeurassent étrangères à aucune des branches de l’enseignement. Les admirables résultats qu’ils ont obtenus sont la réponse la plus victorieuse que l’on puisse faire aux objections qui se produisent partout où la question de l’émancipation intellectuelle des femmes n’est pas encore sortie du domaine de la discussion. C’est du reste le cours naturel, des choses qui a donné aux femmes dans les divers états de l’Union, antérieurement à toute réflexion et indépendamment de tout esprit de système, une part considérable à l’éducation publique, et leur a par suite assuré une