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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/471

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produisent leur effet que sur un nombre très restreint d’étudians. Cette émulation, cet amour désintéressé du travail, résultat de l’influence mutuelle qu’exercent l’un sur l’autre les deux sexes réunis en société, ont pour le reste de la vie d’heureuses conséquences. Habitués à aimer le devoir pour lui-même et non pour les distinctions qu’il peut procurer, ils portent dans le monde les qualités auxquelles ils ont dû leurs succès classiques.

Cette éducation en commun a encore des avantages plus dignes de considération. Les élèves n’auront pas, après avoir terminé leurs études, à employer beaucoup de temps pour acquérir cette tenue, ce ton de politesse et d’urbanité que tout jeune homme bien élevé doit apporter dans le monde. Ces qualités sociales, ces manières distinguées, cette égalité d’humeur, sont devenues son partage, il les a acquises sans effort. Les deux sexes, accoutumés à se trouver sans cesse en rapport, échappent à ces malaises vagues, à ces mélancolies sans objet que l’on peut observer surtout dans les maisons où une défiance exagérée les tient scrupuleusement éloignés l’un de l’autre. Le principal actuel du collège d’Oberlin, le révérend James Fairchild, m’exposait avec beaucoup de force combien la réunion des jeunes gens et des jeunes filles dans son établissement est favorable au maintien de l’ordre et de la discipline. Garçons et filles se tiennent mutuellement en respect. Ils se plient sans peine aux règles de la maison. Si quelques infractions à l’ordre se remarquent, parmi les nouveau-venus particulièrement, on peut dire qu’il n’y a pas de ville dans l’état dont les rues soient nuit et jour aussi calmes et aussi tranquilles que celles d’Oberlin. Sur les deux ou trois cents jeunes filles qui suivent les cours supérieurs, il n’a été prononcé en moyenne qu’une exclusion tous les cinq ans. Les infractions aux lois de propriété, ordinairement assez communes entre écoliers, cessent d’exister dès que l’élément féminin fait partie de la communauté. M. Fairchild ajoutait à ces remarques des détails qui trouveraient plus d’un incrédule parmi nos étudians français. La défense de fumer, partout prescrite et partout violée, est scrupuleusement observée à Oberlin, grâce à la présence des jeunes filles, envers lesquelles aucun élève ne voudrait manquer d’égards.

Voici quelques-unes des objections que soulève le système d’éducation suivi au collège d’Oberlin et les réponses qui leur sont faites. Est-on bien sûr que l’intelligence des jeunes filles soit à la hauteur de l’enseignement si varié et si étendu auquel elles participent ? Je ne peux mieux faire que d’invoquer encore ici l’expérience de M. Fairchild. « J’ai enseigné, me disait-il, pendant les huit premières années de mon séjour au collège d’Oberlin, le grec, le latin et l’hébreu ; j’ai, la neuvième année, enseigné les mathématiques pures