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congrès de Lausanne « une sorte de comité de rédaction des futures tables de la loi. » Toujours le langage de l’encyclique ! M. Victor Hugo écrit décidément trop de lettres pour ne rien dire. « Otez l’armée, vous ôtez la guerre ! » C’est bien simple, comme on voit. Cela ressemble à cet autre mot : séparez un homme de ses semblables, vous l’isolez ; la vérité est foudroyante. Il est à craindre que, si les affaires de l’Europe sont traitées à Lausanne comme les affaires sociales l’ont été à Bâle, nous n’en soyons réduits à attendre longtemps encore ce que M. Victor Hugo appelle « l’ascension de l’astre ! »

C’est bien le moment au surplus pour tous ces congrès et ces conciles d’amuser le tapis, de suppléer à la réalité, car, à vrai dire, les affaires européennes font peu de bruit. Le monde politique et diplomatique prend ses vacances, les hommes d’état se promènent ou sont en villégiature. On est réduit à suivre le prince Charles de Roumanie dans ses voyages à Livadia, en Crimée, auprès de l’empereur Alexandre II, et à Vienne auprès de l’empereur François-Joseph, à chercher des énigmes dans les excursions du prince Gortschakof. Le chancelier de Russie est-il venu à Paris ? S’est-il rencontré en Allemagne avec lord Clarendon et le prince de Hohenlohe, et les trois diplomates se sont-ils enfermés pour traiter de la paix et de la guerre ou pour dîner ensemble ? Voilà une grosse question. Depuis que le bruit des polémiques de M. Bismarck et de M. de Beust a cessé, on en est là. C’est tout au plus si on a vu passer dans le demi-jour le règlement de la situation des forteresses fédérales allemandes. Les états du sud, à qui appartiennent ces forteresses, auraient peut-être bien voulu au fond rester seuls maîtres de leurs affaires et se dégager complètement vis-à-vis du cabinet de Berlin ; mais pour cela il aurait fallu commencer par payer à la Prusse le prix de son matériel militaire, laissé jusqu’ici dans les forteresses ; pour payer ce prix, il aurait fallu dans chaque état demander de l’argent aux contribuables, c’est-à-dire s’exposer à une impopularité que les cabinets du sud ne se souciaient pas d’encourir. Il en est résulté une transaction qui ne laisse pas précisément à la Prusse un droit d’ingérence directe, mais qui lui permet d’exprimer une opinion sur les travaux des forteresses. C’est tout pour l’Allemagne.

Que voit-on ailleurs ? En Angleterre, les affaires d’Irlande se compliquent en ce moment d’une intervention du clergé catholique, qui paie M. Gladstone de son libéralisme par une manifestation des moins conciliantes. Depuis nombre d’années, sous l’influence d’une pensée pacificatrice, on avait établi en Irlande des écoles mixtes où les enfans de toutes les communions recevaient une éducation séculière. C’était jusqu’à un certain point un moyen de préparer un apaisement moral et d’effacer les traces des anciennes guerres religieuses. C’est cependant cette éducation mixte que les prélats catholiques irlandais réunis à Maynoth