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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/578

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Nul n’ignore que nos voisins, tout en cultivant avec une extrême ardeur les principales branches de l’industrie, demandent surtout à la navigation et au commerce de leur ouvrir les sources sans cesse renaissantes de la prospérité nationale. Le commerce de la Grande-Bretagne avec les pays étrangers monte aujourd’hui à plus de 160 millions de liv. sterl. (4 milliards de francs) par an. Les marchandises, avant de sortir du royaume ou d’y entrer, passent surtout par douze grands ports de mer, dont six appartiennent à l’Angleterre, trois à l’Ecosse et trois à l’Irlande. Les ports anglais sont ceux de Londres, de Liverpool, de Hull, de Southampton, de Newcastle et de Bristol. L’Ecosse se glorifie de posséder Glasgow, Leith et Greenoch ; l’Irlande revendique l’honneur d’être en rapport avec l’océan par Cork, Belfast et Dublin. A laquelle de toutes ces villes maritimes revient la supériorité ? Liverpool la réclame énergiquement. Son port, dit-elle, abrite près de la moitié du commerce anglais d’exportation et un tiers du commerce d’importation ; il donne passage tous les ans à un mouvement de 5 millions 1/2 de tonneaux. La vérité est que Liverpool l’emporte sur Londres pour la quantité du tonnage, mais qu’elle cède jusqu’ici le sceptre à la métropole pour la valeur des droits perçus sur les marchandises. Première ou seconde ville maritime du royaume-uni, elle n’en a pas moins le droit d’être fière de son rang, surtout quand elle se souvient de ses humbles origines. Venise, Gênes, Florence, Lubeck, Hambourg et d’autres villes de la ligue hanséatique jouissaient déjà dans le monde d’une réputation commerciale à une époque où Liverpool dormait encore au fond de ses marais. En Angleterre même, les ports de Londres, de Bristol, de Hull, de Boston et de Newcastle devancèrent de plusieurs siècles la navigation de la Mersey. A quelle force morale ou à quel événement, historique peut-on attribuer l’essor du génie maritime sur les rives du Lancashire ? Une première charte, accordée aux bourgeois de Liverpool par le roi Jean le 28 août 1207, et une seconde, concédée par son fils Henri III en 1229, renouvelèrent entièrement dans la ville les conditions de la vie publique. Ces chartes reconnaissaient aux habitans le droit de choisir eux-mêmes leurs baillis et de créer des cours locales de justice. La ville échappa par ces franchises au château-fort, sous la protection duquel on l’avait placée, et aux anciennes juridictions féodales ou teutoniques. Avec la liberté naquit l’esprit d’entreprise. Le commerce toutefois était encore trop dans l’enfance pour aider beaucoup au développement de la navigation. L’Angleterre n’exportait guère au XIVe siècle que la laine de ses brebis ; elle recevait surtout les vins du midi de la France. Plus tard, le voisinage de l’Irlande favorisa certains échanges entre l’agriculture et l’industrie. Au temps