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d’indulgence ; ce rapport est discuté par les chefs de service réunis aux directeurs, les sommiers judiciaires sont compulsés, et l’on cherche, en s’éclairant sur les antécédens, à ne proposer au comité des grâces que les sujets qui n’ont en rien démérité. La liste dressée par les directeurs, réduite par la préfecture de police, est expédiée au ministère de la justice, où elle subit une nouvelle épuration ; puis le parquet en a connaissance à son tour, et y efface encore quelques noms après avoir interrogé les dossiers pleins de renseignemens qu’il possède et garde avec soin. Devenue ainsi définitive, la liste ne mentionne plus qu’un très petit nombre de condamnés ; sur ceux-là, l’empereur exerce son droit de grâce, la plus belle et la plus noble prérogative de la souveraineté.


IV

Si j’ai réussi à faire comprendre les vices matériels et moraux des maisons de Saint-Lazare et de Sainte-Pélagie, on admettra que de pareilles prisons ne sont plus en harmonie avec l’état de notre civilisation, et qu’à tous les points de vue il est urgent de les reconstruire pour les approprier à une destination sérieusement pénitentiaire. La Petite-Roquette, le plus important peut-être de nos lieux de détention, puisqu’elle renferme des enfans qu’il faut disputer au crime, élever au travail et à la moralité, devrait être aménagée d’une façon plus convenable et placée près de Paris, dans un vaste terrain isolé, sous l’action bienfaisante du soleil et du grand air. Mazas et la Santé seraient bien près d’être irréprochables, si le système de chauffage permettait de donner aux cellules une température égale. La Conciergerie est la seule prison qui soit bien chauffée ; mais elle ne contient actuellement que 76 cellules, tandis que la Santé en renferme 500 et Mazas 1,200. Ce n’est là, je le sais, que le petit côté de la question, et les prisonniers sont aujourd’hui en bonne situation comparativement à la manière dont ils étaient traités jadis. Ce qui importe par-dessus tout, c’est que l’emprisonnement ne soit pas exclusivement coercitif, et que le temps de la peine puisse être utilement employé à faire comprendre au détenu que le bien est supérieur au mal, non-seulement au point de vue de la moralité, mais même au point de vue de l’intérêt individuel.

En 1868, le travail a rapporté aux détenus, dans les prisons de Paris et le dépôt de mendicité de Saint-Denis, la somme de 245,253 francs 3 centimes ; le nombre moyen des travailleurs a été de 2,886 individus, dont chacun a eu par conséquent un salaire quotidien de 23 centimes. La moitié de ce maigre pécule a été remise aux prisonniers ; l’autre, confiée au greffier, forme la masse et ne produit jamais d’intérêt, de sorte qu’en admettant qu’un