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source à la fois des variations et des ressemblances, est le seul moyen à la portée de notre intelligence par lequel nous puissions nous expliquer l’existence des êtres vivans, ainsi que celle des intervalles par lesquels ils se rapprochent ou se séparent. D’autre part, l’expérience nous apprend que l’hérédité résulte nécessairement d’une série plus ou moins nombreuse de générations, que par elle les divergences vont en s’accentuant de même que les similitudes en se fixant, et que les degrés intermédiaires peuvent et doivent disparaître ; il n’y a donc pas pour nous d’impossibilité directe à ce que les êtres vivans qui possèdent entre eux quelques traits similaires aient pu sortir les uns des autres, et remontent en réalité à un petit nombre d’ancêtres communs. Dans la majorité des cas, la somme des similitudes organiques étant plus forte que celle des divergences, la supposition par elle-même n’a rien que de plausible. Buffon, qui n’avait encore qu’une idée confuse de la durée presque sans limite du globe, s’étonnait en termes magnifiques « de ce monde d’êtres relatifs et non relatifs, de cette infinité de combinaisons harmoniques et contraires, de cette perpétuité de destructions et de renouvellemens ; » il y voyait avec raison une sorte d’unité toujours persistante et éternelle ; il exprimait enfin cette belle pensée, que la faculté de se reproduire, commune à tous les êtres, supposait entre eux « plus d’analogie et de choses semblables que nous ne pouvons l’imaginer, » et suffisait pour nous faire croire que « les animaux et les végétaux étaient des êtres à peu près du même ordre[1]. » Ce lien de l’hérédité embrasse donc l’universalité de ce qui a vie ; tout ce qui se meut ou végète lui est soumis, et M. Darwin, comme Buffon, s’arrête devant la multiplicité des effets qu’il produit. Les merveilles de l’hérédité sont sous les yeux de chacun de nous, elles sont en nous-mêmes, il ne dépend que de nous de les constater et d’y reconnaître, en les analysant, plusieurs ordres de phénomènes distincts relevant de la même cause. Pénétrons à la suite de l’éminent auteur anglais dans l’intérieur de ce vaste laboratoire, au sein duquel la vie lutte incessamment pour réparer ses pertes, maintenir et étendre son domaine.

Il faut d’abord, dans l’hérédité, distinguer d’une part la transmission des caractères antérieurement acquis, de l’autre l’apparition des caractères nouveaux et la possibilité pour ceux-ci de se fixer. Par l’un de ces phénomènes, on conçoit la perpétuité possible de certaines particularités ; par l’autre, on comprend la divergence progressive des races. Ces deux ordres de faits sont connexes malgré les résultats opposés auxquels ils conduisent. Dans la transmission aux

  1. Voyez Buffon, Discours sur la manière de traiter et d’étudier l’histoire naturelle, et Histoire générale des Animaux.