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carnassiers ne produisent que très rarement en captivité, quelquefois même des oiseaux mâles perdent en cage leur coloration pour revêtir les livrées de la femelle. Il semble qu’un changement trop brusque dans la manière de vivre soit venu pervertir l’instinct de ces animaux et détruire en eux le germe de tous les désirs. Enlevés à leurs solitudes, à la vie errante, aux aspects du sol natal, privés de leurs compagnons, ils-demeurent en proie à une nostalgie particulière. Tel est le sort des naturels droits et fiers chez les animaux ; d’autres montrent plus de souplesse et de sociabilité ; l’homme a pu les plier plus ou moins vite à ses desseins et leur faire accepter une nouvelle vie plus facile et par cela même plus favorable à la fécondité.

Il faut maintenant examiner trois phénomènes dont l’étude a été poursuivie avec un soin tout particulier par M. Darwin. La consanguinité ou les effets des unions consanguines, le croisement ou rapprochement entre des races distinctes, enfin l’hybridité ou croisement entre des races congénères, mais naturellement infécondes, nous donneront la clé d’une foule de problèmes relatifs à l’espèce. — Les avantages de la consanguinité sont faciles à saisir : ce moyen, universellement en usage chez les animaux domestiques, est le seul par lequel on puisse fixer héréditairement et surtout accroître les caractères dont l’utilité est reconnue. De pareilles unions se multiplient presque à l’infini au sein de la domesticité. Chez l’homme lui-même, l’inévitable effet des unions consanguines souvent répétées est de perpétuer au sein des familles certains caractères physiques et moraux ; mais, si les qualités se transmettent, les défauts et les vices de constitution, les germes des maladies, se transmettent aussi, et la consanguinité poussée à l’extrême a des inconvéniens qui finissent par prévaloir à la longue. Une certaine faiblesse nerveuse, une délicatesse extrême, des tendances morbides, par-dessus tout une stérilité sinon radicale, du moins partielle et croissante, paraissent être la suite des unions consanguines poussées à l’excès. À ce dernier égard surtout, les témoignages abondent ; la fécondité ne disparaît pas, mais elle se trouve atteinte, et la nécessité d’un croisement finit toujours par se faire sentir. Les éleveurs l’ont ainsi compris ; un mélange de sang nouveau leur paraît nécessaire de temps à autre pour cimenter les races obtenues à l’aide de la consanguinité et les rendre parfaitement fécondes. Dans les parcs anglais où l’on conserve à l’état libre des troupeaux de daims, l’introduction de mâles étrangers est employée méthodiquement. Les bœufs de Chillingham, qui sont livrés à eux-mêmes, ne foraient qu’un troupeau peu nombreux qui se reproduit difficilement et dont la taille semble avoir diminué peu à peu. L’effet des unions consanguines est encore plus rapide chez les végétaux ; la même semence ne peut longtemps servir à propager nos légumes et nos céréales. Si les plantes n’étaient