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élémentaire ; elle remplit un rôle, des fonctions, en même temps qu’elle présente une forme déterminée. Les animaux supérieurs ne sont qu’une agrégation complexe d’une multitude de ces élémens étroitement associés au sein des liquides qui les baignent. La trame de l’organisme est telle qu’elle circonscrit des cavités intérieures, où, comme au sein d’un petit monde clos de tous côtés, viennent se rendre les substances gazeuses et fluides, les sucs nourriciers, que le torrent de la circulation apporte à chaque cellule. Les parties constitutives des tissus organiques peuvent ainsi participer à la vie générale qui anime l’agrégation tout entière, et posséder en même temps une individualité résultant de sa forme et de ses fonctions. Le cycle de l’existence de chaque cellule doit aussi avoir un terme, après lequel elles sont éliminées et remplacées par d’autres, et ces nouvelles cellules naissent le plus souvent, sinon exclusivement, du sein des précédentes.

C’est à cette donnée, universellement admise par la science moderne, que M. Darwin semble avoir rattaché la théorie, assez peu modifiée, de Buffon sur les molécules organiques. Partant de l’idée de l’individualité de chaque cellule, il s’est demandé si, outre la multiplication par scissiparité, les cellules ne possédaient pas un autre mode de multiplication qui consisterait dans la faculté d’émettre à un moment donné des corpuscules, des « gemmules cellulaires, » susceptibles de circuler dans les fluides de tout le système, de se subdiviser, et enfin « de se développer ultérieurement en cellules semblables à celles dont elles dériveraient. » Il faudrait supposer encore que ce développement dépend de l’union préalable des gemmules avec d’autres gemmules qui les précéderaient dans le cours régulier de leur croissance, c’est-à-dire que l’ordre relatif de développement serait, pour ainsi dire, déterminé d’avance, et, qu’il ne pourrait avoir lieu en l’absence de tout rapport réciproque des gemmules entre elles. Les gemmules devraient ainsi se greffer les unes sur les autres en séries dont les termes seraient rigoureusement coordonnés. On conçoit la nécessité de cette supposition pour rendre raison de la régularité parfaite de chaque plan organique, dans lequel les parties conservent invariablement leur position relative. Il faudrait supposer aussi qu’à l’état dormant, c’est-à-dire avant tout développement, les gemmules ont les unes pour les autres une affinité qui les dispose à se grouper pour former soit des bourgeons, soit des élémens sexuels.

Dans cette hypothèse, toutes les parties différentes des tissus organiques, par cela même qu’elles sont hétérogènes, devraient produire des gemmules dont l’agrégation ultérieure reproduirait l’ensemble ; les seules parties entièrement homogènes, comme en présentent les êtres les plus bas de l’échelle, n’auraient besoin d’émettre qu’une