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partie de l’animal qui se présente la première au-dessus de l’eau. Ils viennent s’ouvrir en effet à la partie culminante de la tête, et y déterminent deux évens. Ces évens, plus ou moins rapprochés suivant l’espèce, forment un cône graisseux, et, si on les examine intérieurement, on reconnaît qu’ils sont munis de renflemens très contractiles recouverts d’une membrane noire veloutée et assez volumineuse pour fermer au besoin la capacité de l’appareil. On a dit que les souffleurs lançaient de l’eau par les évens. C’est là une grande erreur. Il faudrait pour cela qu’ils en eussent dans les poumons, ce qui ne leur est pas plus possible qu’à nous-mêmes, et l’arrangement intérieur de leurs évens les préserve de l’introduction du liquide ambiant dans les voies respiratoires. ïl ne sort des évens que de l’air humide et gras rejeté par les poumons et quelques particules d’eau très ténues. Arrivé à la hauteur de 2 ou 3 mètres, le jet ou, comme disent les pêcheurs, le souffle reste quelques instans en suspension, et forme dans l’air deux panaches nacrés qui s’évanouissent peu à peu.

Cette vapeur est à peine chassée des évens que la baleine a inspiré de nouveau, la tête se replonge dans la mer, et tout le reste du corps apparaît successivement comme la jante d’une roue énorme qui tournerait dans l’eau avec une imposante lenteur. On n’en voit jamais que 12 ou 15 pieds à la fois, ce qui donne une idée exagérée de la longueur de l’animal ; enfin la queue se montre à son tour, elle s’agite dans l’air, et tout disparaît sous les vagues. Cependant la baleine n’est pas descendue à une bien grande profondeur, on peut voir encore son dos noirâtre sous la nappe d’azur, comme l’ombre d’un gros nuage qui passe ; une minute après, elle reparaît, et le même jeu recommence de la même manière jusqu’à sept ou huit fois. — Le premier souffle a été plus fort que les autres, le dernier sera aussi fort que le premier ; la baleine vide complètement ses poumons afin de faire une abondante provision d’air, c’est signe qu’elle va sonder. Son corps se montre sur une plus grande longueur, la queue se dresse verticalement, et à ce moment, si le baleinier n’a pas encore pu harponner, il doit tenir ses regards attentivement fixés sur ce puissant gouvernail, dont la direction lui indiquera la route que va suivre sa proie. Au bout de 30 ou 40 minutes, elle reviendra de nouveau à la surface. Ainsi la baleine respire sept ou huit fois en 10 ou 12 minutes, puis fait une sonde de 35 ou 40 minutes, et reparaît de la même manière pour souffler encore. C’est ainsi qu’elle passe sa vie, et il lui serait impossible d’agir autrement.

On a remarqué que les baleines font toujours route contre le vent quand la mer est agitée, lorsque la brise est forte et surtout