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Cependant cette idée d’empoisonner la baleine ne doit pas être abandonnée : elle sera sans doute l’objet de nombreux perfectionnemens dans la pratique ; mais elle paraît devoir rester comme le principe de toutes les tentatives ultérieures.

Cette lance empoisonnée, ne servant qu’à tuer plus vite la baleine quand elle est harponnée, ne répond pas précisément aux conditions nouvelles que font au pêcheur les allures et les particularités de conformation des espaces qu’il lui faudra poursuivre maintenant que le nombre des baleines franches a diminué. La première difficulté à vaincre est de frapper le cétacé à distance, et il est naturel que pour cela on se soit adressé aux armes à feu. Dans ce genre, nous avons eu d’abord la bombe-lance : c’est un tube long de 20 centimètres, ayant la pointe effilée, et que l’on charge dans un fusil comme une balle ordinaire. Ce tube est muni à la base d’une mèche qui prend feu au moment où le coup part. La cavité de ce tube est remplie de poudre ; le projectile pénètre dans les chairs ; au bout de quelques minutes, il éclate et produit de grands ravages chez l’animal. La bombe-lance permet d’atteindre la baleine à 30 ou 40 brasses, ce qui est énorme ; mais la pratique a fait ressortir des défauts qui l’emportant sur cet avantage. D’abord il arrive bien souvent que la mèche ne prend pas feu, d’autres fois elle brûle trop longtemps, et la baleine piquée fait une sonde, emportant son projectile au fond de la mer ; comme elle n’entraîne plus avec elle dans ce système une amarre indiquant la direction qu’elle prend, dès qu’elle est foudroyée dans ces conditions, elle ne paraît à la surface que quelques jours après, quand, son corps s’étant enflé, elle déplace un plus grand volume d’eau. Elle est perdue pour l’équipage qui l’a tuée.

Après la bombe-lance est venu le système Devisme, qui se rapproche beaucoup du système dit américain, expérimenté à l’heure qu’il est par tous les baleiniers. C’est un projectile porte-amarre, de forme conique ; il est muni à la pointe d’une capsule qui éclate en se butant contre les parties solides de la baleine. Comme ce projectile est garni intérieurement d’une assez forte dose d’acide cyanhydrique, le poison se répand dans la plaie de l’animal, qui se trouve instantanément foudroyé. Jusque-là, c’est très bien imaginé : on frappe la baleine à distance et on la tue sans exposer ni pirogues ni équipages. Voilà une partie du problème résolue ; il en reste une autre bien plus importante à résoudre : il ne suffit pas de détruire, il faut avant tout que cette destruction profite, il faut capturer. Or nous avons affaire à des baleines de fond ; nous devons les empêcher de couler. Pour cela, M. Devisme a imaginé d’appliquer à son projectile porte-amarre deux oreilles de. harpons, qui, au moment de