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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/753

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savoir que ce n’était qu’un ajournement, qu’il y avait des phases à parcourir, qu’il ne fallait pas précipiter « des faits qui sont d’ailleurs en germe depuis la transformation féconde de l’état allemand, et qui doivent par un progrès naturel, plus ou moins lent, devenir nécessairement des réalités. » Ainsi la pensée est maintenue, et c’est ce qui doit tenir toutes les politiques en garde pour l’avenir ; mais en ce moment il y a une halte qui facilite les rapprochemens. Ce n’est pas la paix et la solution de toutes les questions laissées en suspens par la transformation de l’Allemagne, c’est une trêve qu’on s’accorde, qui durera ce qu’elle pourra, et depuis longtemps, en vérité, de quoi se compose la paix de l’Europe, si ce n’est de trêves successives ?

Que cette situation diplomatique rajustée par les hommes d’état en voyage ne soit malgré tout ni brillante ni sûre, on en conviendra aisément ; mais il y a pour sûr au moment présent un pays dont les affaires sont aussi embrouillées que celles d’Europe : c’est l’Espagne, qui a tout à la fois à se retenir sur la pente de la guerre civile, à chercher un roi et à disputer par les armes sa plus florissante possession des Antilles. La révolution de septembre 1868 compte maintenant un an d’existence, et elle ne sait pas plus aujourd’hui qu’il y a un an où elle aboutira. Elle laissera sans doute en fin de compte, par la force des choses, des progrès de liberté et de tolérance que ne pourront effacer entièrement les gouvernemens qui viendront. Pour l’instant, c’est la fixité et la direction qu’elle ne trouve pas. Elle se débat dans un provisoire obscur qui prête naturellement à toutes les agitations. Il y a moins de deux mois, c’était l’insurrection carliste qui levait son drapeau, et qui, malgré son incohérence, malgré se faiblesse évidente, occupait encore le gouvernement de Madrid pendant plusieurs semaines. Depuis quelques jours, c’est le parti républicain qui entre en lutte. Cette agitation nouvelle a commencé à Madrid par une espèce de mutinerie des volontaires de la liberté, ces miliciens enrégimentés de la révolution, qui ne voulaient pas se laisser déposséder d’un poste de quelque importance dans un des principaux établissemens publics. Des scènes bien plus graves viennent d’éclater en Catalogne. A Tarragone, le malheureux secrétaire du gouverneur civil, pour avoir voulu maintenir l’autorité de la loi, a été massacré et traîné dans les rues par une multitude sauvage, pendant que le général républicain Pierrad parcourait la ville en voiture comme un triomphateur. A Barcelone, les chefs de l’administration n’ont pas voulu céder à une signification impérieuse, les volontaires ont pris les armes, ont couru aux barricades, et il a fallu un combat nocturne de quatre heures pour dompter le mouvement. Sur plusieurs, points, notamment en Andalousie, l’insurrection est toujours près d’éclater. Le ministère s’attend évidemment à de nouveaux combats, et il s’y prépare en commençant par prendre des mesures ; contre les clubs, contre les manifestations séditieuses, en