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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/754

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désarmant peu à peu les volontaires. La question est de savoir s’il pourra aller, jusqu’au bout de ce travail défensif sans se heurter contre une résistance qui amènera le choc décisif.

Est-ce à dire que le parti républicain ait conquis un ascendant réel, qu’il ait une force véritable pour se rendre maître de la situation ? Oui et non ; sans aucun doute, le parti républicain, qui n’était rien, a singulièrement grandi depuis un an au-delà des Pyrénées, et comment en serait-il autrement ? Il a une liberté absolue dans ses mouvemens ; il a ses réunions, ses propagandes, son organisation, qui s’étend aux provinces, son armée dans les volontaires. D’un autre côté, le gouvernement n’a point réellement de politique ; il se compose de forces qui se neutralisent, d’hommes qui, pour ne pas entrer en lutte, se partagent le pouvoir, le général Serrano, qui est régent et qui veut le rester, le général Prim, qui est président du conseil et qui défend sa position, M. Rivero, qui doit une influence exceptionnelle à sa double qualité de président des cortès et de commandant général des volontaires, et qui veut maintenir son influence, l’amiral Topete, qu’on ne peut écarter et qui se repent peut-être de ce qu’il a fait. Puis enfin l’Espagne est constitutionnellement une monarchie, et elle en est toujours à chercher un roi, de sorte que, si la royauté existe d’une manière abstraite, c’est la république qui existe en fait. Dans ces conditions, le parti républicain grandit naturellement par sa propre hardiesse, par les oscillations inévitables du gouvernement et par l’incertitude de la situation générale. Ce n’est là cependant, si l’on va au fond des choses, qu’une force apparente et toute factice due à des circonstances exceptionnelles. Le jour où la monarchie trouverait enfin une sérieuse personnification, où apparaîtrait un ministère qui aurait une politique, qui serait décidé à rétablir un régime plus régulier, l’importance du parti républicain diminuerait singulièrement. L’incohérence actuelle fait beaucoup de républicains qui redeviendraient monarchistes le lendemain sans aucun effort, et il y a plus d’un démocrate qui se rendrait au premier baisemain du roi, si tant est que le baisemain soit un usage bien nécessaire désormais. Seulement il faut bien y songer, chaque jour qui s’écoule fait à la royauté nouvelle une condition plus pénible, plus difficile, justement parce que les élémens hostiles ont le temps de se fortifier. Voilà qu’on dit aujourd’hui que l’enfantement d’un roi est proche, que le cabinet de Madrid est sur le point de proposer définitivement un candidat aux cortès, qui se réunissent de nouveau en ce moment. Ce n’est plus le duc de Montpensier, ni le roi dom Fernando, ni le roi dom Luiz de Portugal, qui vient de désavouer toute pensée de ce genre par une lettre animée du plus vif esprit portugais, qu’il a adressée à son président du conseil, le duc de Loulé. Ce serait le, duc de Gênes. Il faut attendre du gouvernement espagnol lui-même la révélation du mystère. Dans tous les cas, ce serait