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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/794

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notre dernier roi ont eu pour héritier présomptif un enfant qui n’a point régné. La monarchie, mise en coupe réglée par les révolutions, est devenue en France quelque chose comme une monarchie élective. Quelle est l’objection des publicistes contre la monarchie élective ? Que chaque changement de règne amène des troubles et ressemble à une révolution ; nous avons eu les changemens de règne et les révolutions avec la monarchie héréditaire. Nous aurions écrit dans nos constitutions qu’elle était élective que nous n’aurions fait que prophétiser notre histoire.

On ne saurait donc le nier, la monarchie paraît avoir perdu un de ses avantages, la stabilité, et ce n’est pas uniquement sur le sol ébranlé de la France qu’elle a chancelé. Seulement depuis la révolution de février, quatre couronnes royales sont tombées, des princes régnans équivalant à des rois ont perdu leurs états, et, l’esprit de révolution a contribué à toutes ces chutes. Ailleurs le trône ne s’est conservé que grâce à des abdications opportunes imposées par la difficulté des temps et la menace des événemens. Malgré toutes les forces et toutes les raisons qui protègent encore la monarchie, elle traverse donc une crise qu’elle voudrait ignorer en vain ; elle n’en peut heureusement sortir que par une transformation. Il faut qu’elle renonce à sa plus chère prétention, à l’immobilité : elle n’est plus une religion. Si l’on osait donner un conseil aux dynasties qui règnent ou qui régneront, on pourrait leur dire : « Vous n’êtes plus ces races privilégiées en qui s’incarne un droit divin ; soyez des familles de stathouders à la disposition des peuples. Les souvenirs attachés à ce titre ne vous interdisent aucune légitime gloire, et votre orgueil ne peut que grandir à le mériter. »

Mais toutes les âmes ne sont pas faites pour la vraie grandeur, tous les esprits ne sont pas faits pour la comprendre. C’est cependant un beau rôle que celui de protecteur véritable de la liberté publique. Il peut être doux de se dire : « Le sort m’a fait naître dans l’ère des révolutions ; mais je ne suis pas de ceux qu’elles menacent, je suis de ceux qu’elles appellent, et je ne puis avoir mon jour que si la liberté a le sien. »

Notre conclusion, c’est que l’histoire contemporaine bien étudiée doit enseigner aux amis de la monarchie à quelles conditions ils peuvent associer intimement leurs idées d’unité et de perpétuité avec les institutions nécessaires aux sociétés modernes, et aux amis de la république que lorsqu’ils s’obstinent à faire de l’abolition du pouvoir d’un seul, même si ce pouvoir n’est plus qu’une fonction, la première condition de la liberté, ils sacrifient le principal à l’accessoire, l’essentiel à l’accident, la réalité à l’ombre. Qu’ils retiennent fortement, s’ils le peuvent, les garanties nécessaires de la