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et décisifs. La période, jadis si mal connue, qui s’étend du retour de Babylone à la venue du Christ est aujourd’hui rétablie dans tout ce qu’elle a d’essentiel. On a même pu remonter plus loin avec une sécurité historique satisfaisante. Le prophétisme, cet élément fondamental de l’histoire du peuple hébreu, est ramené désormais aux lois du développement général de l’humanité. Nous en pouvons dire autant de l’histoire du judaïsme pendant la période, naguère encore très obscure, qui va de la prise de Jérusalem par Titus à la rédaction du Talmud. Peut-être se rappellera-t-on que nous avons résumé ici même les travaux les plus récens et les plus concluans dont ces deux périodes ont été l’objet[1].

Malgré ces conquêtes, peut-être à cause d’elles, un problème plus épineux restait à résoudre : quelle était la religion primitive d’Israël, et quel rapport essentiel avait-elle avec cette religion bien différente que nous voyons, encore contestée, mais fixée dans ses grands traits, s’épanouir chez les prophètes du VIIIe siècle avant notre ère, traverser victorieusement la captivité de Babylone, passer ainsi, se développant sans cesse, dans la chair et le sang de tout un peuple, tandis que ses origines premières se perdent dans un lointain nuageux, et semblent porter un défi irritant à notre soif d’investigation ? Cependant là encore nous voyons le jour commencer à poindre, et, si nous n’osons dire que le problème soit entièrement résolu, il nous sera permis d’affirmer qu’il approche de la solution. Nous ne pourrions en alléguer de meilleure preuve que l’ouvrage consacré par M. le professeur Kuenen à la religion d’Israël. Le nom du savant critique de Leyde est assez connu déjà des lecteurs de la Revue pour qu’il soit inutile de leur rappeler les garanties qu’il offre de sûreté dans la recherche et d’indépendance dans les jugemens[2].

  1. Voyez, pour le prophétisme hébreu, la Revue du 15 juin et du 15 juillet 1867 ; pour l’histoire du judaïsme, la Revue du 15 septembre et du 1er. novembre de la même année.
  2. Cet ouvrage fait partie d’une grande encyclopédie hollandaise d’histoire religieuse publiée depuis quelques années par la maison Kruseman, de Harlem. Ce travail, entrepris sur de larges bases et encore loin d’être achevé, a été partagé entre plusieurs savans, qui ont déjà fait leurs preuves sur le domaine particulier assigné à chacun d’eux, et rien ne fait plus d’honneur à l’érudition hollandaise que In facilité avec laquelle on a pu trouver dans ce petit pays le nombre voulu d’historiens et de théologiens compétens pour traiter des sujets aussi vastes que compliqués. L’histoire de l’islamisme a été racontée par M. le professeur Dozy, de Leyde ; la religion des Scandinaves est échue au pasteur Mey boom, d’Amsterdam ; celle du Zend-Avesta, au pasteur Tiele, de Rotterdam ; l’histoire du catholicisme (en cours de publication), au Dr Pierson, aujourd’hui professeur extraordinaire à Heidelberg ; celle du protestantisme, au professeur Rauwenhof, de Leyde, etc. Il est à regretter qu’une si importante publication soit écrite dans une des langues les moins parlées de l’Europe.