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royaume de Pologne, que les trois puissances du nord se sont partagé fraternellement en 1772, 1792 et 1795, parce que les Polonais veulent reconquérir leur autonomie en Autriche, afin de pouvoir un jour rendre à leur patrie ressuscitée les autres provinces que détiennent la Prusse et la Russie. Il est presque inutile de répéter que le partage de la Pologne a été un crime de lèse-nationalité, un attentat au droit des gens. Le sentiment de la justice appliquée aux relations internationales est aujourd’hui assez répandu et assez puissant pour imposer silence à toute tentative de justifier cet acte, qui jadis a pu paraître tout simple ; mais ce que l’on commence seulement à voir maintenant, c’est que ce partage est la pire des fautes du gouvernement autrichien, qui de tout temps en a commis assez pour justifier ce mot de Frédéric II : il faut que l’Autriche ait la vie bien dure pour que ceux qui la gouvernent ne soient pas encore parvenus à la tuer. — Du jour où la Pologne a été supprimée, l’existence de l’Autriche a été mise en péril. Si cet antique boulevard de l’Occident pouvait être relevé, l’empire autrichien perdrait une belle province, mais acquerrait une précieuse garantie de durée.

La Russie avait préparé de longue main et avec une extrême habileté l’assassinat de la Pologne. Frédéric II proposa de porter le coup de mort, tandis que ce fut malgré elle que Marie-Thérèse prit une partie des dépouilles de la victime. Elle se rappelait que Sobieski avait sauvé Vienne, et l’iniquité de la spoliation lui donnait des remords. La position était difficile : refuser, c’était fortifier l’ennemi ; s’opposer, c’était la guerre. Ce qu’on peut reprocher surtout aux hommes d’état autrichiens, c’est qu’ils n’ont jamais eu une vue assez claire du danger que la suppression de la Pologne faisait courir à l’empire, et n’ont pas su profiter des occasions qui se présentaient à eux de réparer la faute commise au siècle dernier. A différentes reprises, notamment en 1813, 1815, 1831, 1848, 1854 et 1864, ils auraient pu agir dans ce sens. Ils ne l’ont pas fait par manque d’énergie, de prévoyance, surtout par horreur des idées nouvelles. Aujourd’hui que le péril frappe tous les yeux et que Vienne suit une autre politique, le moment est venu de rendre à l’Autriche la sécurité qu’elle a perdue depuis 1792. Les moyens sont ceux que dictent la justice et le respect du droit des peuples. Nous essaierons bientôt de les indiquer.

La Galicie se compose des royaumes de Galicie, de Lodomerie, et du grand-duché de Cracovie, annexé en 1847, du consentement de la Russie. Elle compte environ cinq millions d’habitans sur un territoire qui mesure 1,422 milles géographiques. Ce territoire fut augmenté lors du dernier partage de la Pologne en 1795, puis diminué par Napoléon Ier au profit du grand-duché de Varsovie après la