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campagne de 1809. Sa situation légale dans l’empire est très différente de celle de la Bohême et de la Hongrie ; ce point n’est pas sans gravité dans un pays où les traditions historiques exercent encore tant d’influence. Au XVIe siècle, les Tchèques et les Magyars se sont réunis à l’Autriche volontairement, en offrant leur couronne élective à un prince de la maison de Habsbourg. Aussi tout ce qu’ils réclament maintenant, c’est la reconnaissance de leur droit national. Ils ne demandent pas à sortir de la confédération autrichienne, pourvu qu’on respecte leur autonomie. Tout autre est la situation de la Galicie, et très différens sont les vœux des Polonais. La Galicie a été séparée violemment, par un abus de la force, du royaume de Pologne, qui avait sa civilisation propre, sa constitution, sa mission historique, son droit d’exister comme nation indépendante. Les habitans de la Galicie n’ont jamais, par aucun acte, approuvé le démembrement de leur ancienne patrie, ni ratifié l’annexion à l’Autriche. Chaque fois qu’ils ont pu faire entendre librement leur voix, ils ont protesté contre la suppression de la nationalité polonaise. Tel a été le sens de l’adresse votée par la diète galicienne en 1860 comme en 1848, et l’on n’a pas osé lui soumettre de programme impliquant l’abandon de ses aspirations, qui sont partagées par toute la province. Ainsi donc, tandis que les Tchèques et les Hongrois ne réclament que la liberté et l’autonomie dans l’empire, les Polonais ne demandent l’une et l’autre que pour en sortir. Satisfaits, les premiers pourront travailler à la grandeur d’une Autriche fédéralisée ; libres, les seconds ne seront contens que quand ils feront partie de la Pologne reconstituée. Leur but, ils l’avouent, ils le proclament, et il n’y a aucun titre légal qu’on puisse leur opposer.

Aussi longtemps qu’a duré la triple alliance des puissances du nord et que Metternich est parvenu à étouffer la manifestation des vœux des populations, la question polonaise en Galicie était peu inquiétante. La Russie semblait avoir oublié ses projets d’agrandissement vers l’Occident ; elle se contentait d’étendre sur l’Allemagne sa main protectrice. Le ministre autrichien maintenait les seigneurs en bride en excitant les paysans contre eux, et, quand il croyait qu’ils préparaient quelque mouvement, il les faisait égorger à tant par tête. Aujourd’hui tout est changé. La Russie a repris ses projets ; elle ne cache pas l’amer ressentiment que lui cause la fameuse in, gratitude de l’Autriche, elle est presque un ennemi déclaré, et d’autre part il n’est plus possible d’imposer silence à la diète de Lemberg. Le danger se montre donc également menaçant au dehors et au dedans. Il faut se hâter de le conjurer, s’il en est temps encore.

L’opposition de la Galicie contre le gouvernement central n’est pas un fait nouveau. Elle a commencé aussitôt après l’annexion. On