Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/845

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fonctionner, si dans tout cabinet les différentes parties de la monarchie devaient être représentées ? Cette exigence de la diète de Lemberg est empruntée, comme plusieurs autres, aux traditions de l’ancien régime et ne cadre plus avec les institutions modernes. Ainsi autrefois il y avait en effet à Vienne un chancelier pour la Hongrie qui avait sa place marquée dans le conseil de la couronne ; mais à cette époque l’empereur était un souverain absolu, et il ne s’agissait pas de former un ministère responsable envers des assemblées délibérantes. Aujourd’hui c’est la puissance de l’opinion et non un chancelier qui doit donner des garanties aux populations. Le malheur en Autriche, c’est que de divers côtés on veut à la fois obtenir les libertés modernes et conserver des institutions empruntées au moyen âge. Tchèques et Polonais demandent ainsi parfois des choses qui s’excluent, et rendent par là très difficile la tâche des hommes politiques qui voudraient sincèrement s’entendre avec eux.

Par suite d’une vicieuse organisation de la représentation des différentes provinces, les Allemands sont les maîtres dans le Reichsrath, quoique la Cisleithanie n’en renferme que 6 millions, contre 10 millions de Slaves. Les Allemands ne peuvent se résigner à accepter le rôle que la nécessité finira par leur imposer. Comme toute classe qui a longtemps dominé, ils ne font pas volontiers place auprès d’eux à ceux qu’ils ont gouverné depuis des siècles, et qu’ils sont habitués à considérer comme inférieurs à eux sous tous les rapports. Ils ont plus d’instruction et de richesse que les Slaves, ils ont toujours commandé, ils appartiennent en outre à cette race germanique, supérieure par nature à toutes les autres ; donc, pensent-ils, la prééminence leur revient de droit. A leurs yeux, ce serait à la fois une humiliation pour tous les Germains et un malheur pour l’état, si la direction des affaires devait passer de leurs mains dans celles d’une race qui ne l’emporte sur eux que par le nombre. Telles étant les idées dominantes dans le Reichsrath, le programme de la diète de Lemberg n’avait aucune chance d’être accepté. Malgré les plus vives instances des députés galiciens, il n’a pas même été discuté.

Pour diminuer l’irritation que l’attitude du parlement central devait produire en Galicie, le gouvernement se hâta de faire quelques concessions relativement à la nomination des chambres de commerce et Il l’emploi de la langue polonaise dans l’enseignement supérieur ; mais ces satisfactions, consenties par voie administrative, sont toujours révocables, et elles sont d’ailleurs, disent les Polonais, dérisoirement insuffisantes. Le mécontentement devint général ; l’irritation contre la majorité allemande fut extrême. Les journaux et les hommes de tous les partis déclarèrent qu’il fallait faire des résolutions votées par la diète de Lemberg le programme national, et qu’on saurait