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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 83.djvu/851

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M. Smolka de ne plus envoyer de députés au Reichsrath a été rejetée. D’autre part, il a été décidé, conformément à la motion de M. Zyblikiewicz, qu’on nommerait une commission de neuf membres chargée de faire un rapport sur la situation du pays, et cette résolution est considérée comme hostile au ministère et au parti Ziemialkowski. Il est donc à peu près certain qu’il n’y aura pas encore cette fois de rupture complète entre la diète de Lemberg et le gouvernement central ; mais un fait récent a montré l’attitude que prendront les Polonais et les graves conséquences qui peuvent en résulter. Dans la dernière session des délégations pour les affaires communes, une divergence s’était produite entre la représentation de la Cisleithanie et celle de la Transleithanie. Dans ce cas, il faut que le différend soit tranché en une réunion plénière où les délégués votent silencieusement, toute discussion, tout échange d’idées étant interdits ! Les Polonais de la délégation cisleithanienne s’étant joints aux Hongrois, ces derniers l’ont emporté sur les Allemands. Ce fait insignifiant en apparence, et auquel l’Europe a prêté peu d’attention, a excité à Vienne le plus vif mécontentement[1], et ce n’est pas sans raison. Si les Polonais continuent à appuyer les Hongrois, ce sont ceux-ci qui seront les maîtres de l’empire. Ils tiendront en leurs mains le sort du ministère impérial et par suite la direction supérieure des affaires. La fameuse prédiction de M. de Bismarck se réalisera : le centre de gravité de l’empire sera transféré à Pesth. Cela est du

  1. Voici à ce sujet quelques extraits des correspondances et des journaux devienne qui traduisent cette impression de la manière la plus nette. « Le mécontentement est très grand dans les cercles politiques de Vienne à cause du résultat des votes qui ont eu lieu dans la séance commune des délégations. Depuis deux jours, tous les journaux indépendans de Vienne attaquent l’institution des délégations, la désertion des membres de l’opposition dans la délégation autrichienne, l’absence de tout sentiment de justice et l’égoïsme des Hongrois. On va jusqu’à dire que les provinces cisleithanes se trouveraient mieux de l’union personnelle que de ce parlement hybride constitué par les délégations, qui, d’après les paroles de Deak, était destiné à être une arme défensive contre la prépondérance autrichienne, mais qui est devenu maintenant une arme offensive contre le bon droit et la bourse des Autrichiens. » — « Ce serait fermer les yeux et les oreilles devant des faits évidens et patens, dit la Neue freie Presse, que d’affirmer que cette institution parlementaire ait pris racine chez nous, et qu’elle ait conquis les moindres sympathies. Nous ne voulons pas méconnaître le soin, la diligence, la manière consciencieuse et le zèle avec lesquels la majorité des membres de ces deux petites assemblées ont accompli la tâche pénible d’examiner le torse d’un budget qui leur a été présenté ; mais nous ne pouvons nous empêcher de ne considérer ces services dans leur ensemble que comme le strict nécessaire de ce qu’on devait attendre. Si nous avons accueilli froidement cette institution à l’époque où elle fut créée, nous n’y prenons plus absolument aucun intérêt, maintenant que nous avons vu combien cette machine est lourde et peu maniable. » — En examinant ici même la nouvelle constitution de l’Autriche, nous disions que le mécanisme des délégations était si informe, si mal construit, qu’il ne résisterait pas à une crise sérieuse. Il ne s’est agi cette fois-ci que d’un différend insignifiant au sujet de quelques chiffres du budget. Qu’adviendrait-il, si une question vitale comme celle de la paix ou de la guerre était on débat ?